Vignesh Sundaresan, un entrepreneur qui a fait fortune grâce aux crypto-monnaies et a déboursé la somme record de 69,3 millions de dollars pour une oeuvre d’art numérique n’a pas, à première vue, les attributs d’un riche collectionneur.
Le jeune homme de 32 ans, habillé d’un pantalon chinos et d’un t-shirt, habite dans un appartement standard de Singapour. Egalement connu sous le pseudonyme Metakovan, l’homme n’a aucune propriété immobilière ni véhicule à son actif et la plupart de ses investissements ont été réalisés dans le monde virtuel.
«Mes biens les plus précieux sont mon ordinateur, et peut-être ma montre», explique à l’AFP l’entrepreneur né en Inde et résidant à Singapour depuis son appartement à la décoration spartiate.
Derrière cette apparence sans prétention, se cache un millionnaire à la tête d’un fonds qui finance des «NFT» ou jetons non fongibles («non-fungible tokens»), qui désignent un certificat d’authenticité associé à un objet virtuel (image, photo, vidéo, morceau de musique).
Le mois dernier, il a emporté aux enchères chez Christie’s l’oeuvre d’art numérique Everydays: the First 5.000 Days, un collage de 5.000 images numériques, de l’artiste américain Beeple, de son vrai nom Mike Winkelmann.
C’est la première oeuvre d’art purement numérique jamais vendue par une grande maison d’enchères.
Vignesh Sundaresan considère que le prix payé pour le collage numérique réalisé par Mike Winkelmann, devenu le troisième artiste vivant le plus coté, est justifié.
«Je considère que cette oeuvre était importante».
«L’oeuvre elle-même est géniale. Mais il y a aussi le message et l’intention symbolique de montrer au monde (…) qu’il y a un phénomène qui se produit underground».
Si l’art numérique n’était encore qu’une petite niche il y a six mois, la vente de l’oeuvre de Beeple à un prix record pour un NFT a fait l’effet d’une bombe sur le marché de l’art.
«connexion spirituelle»
Le fond de l’entrepreneur Metapurse avait déjà acheté vingt oeuvres de Beeple en décembre et a revendu une participation dans cette collection sous forme de « jetons ». D’un prix initial de 0,36 dollar, ces jetons valent actuellement autour de 5 dollars.
Acquérir l’oeuvre The First 5.000 Days a été une épreuve émotionnelle, confie-t-il. Les enchères chez Christie’s ont duré deux semaines avec un prix initial de 100 dollars et jusqu’à 22 millions de personnes en ligne pour assister aux dernières enchères.
«Je ne pensais pas que ce serait aussi disputé». «Et même pour moi, dépenser autant d’argent est assez difficile».
Le jeune homme voudrait exposer maintenant ses oeuvres dans une galerie virtuelle et prévoit d’embaucher un architecte pour la concevoir.
«Sous la forme d’un avatar vous pourrez la visiter et vous rendre à différents étages pour observer les oeuvres», promet-il.
Il avoue ressentir un lien personnel avec l’oeuvre The First 5.000 Days, car, comme l’artiste, il a commencé sa carrière comme amateur dans son domaine et a rencontré le succès après plusieurs années de travail intense.
Beeple a commencé à concevoir The First 5.000 Days en 2007, alors que son travail de designer web l’ennuyait, et il a décidé de créer une oeuvre d’art par jour.
«Il a progressé chaque jour et a travaillé 13 ans pour arriver à ce point», explique Vignesh Sundaresan.
«Je ressens une connexion spirituelle avec lui».
«au bon endroit au bon moment»
Quand il était étudiant en ingénierie, le jeune homme raconte qu’il ne pouvait pas s’offrir d’ordinateur portable.
Il a créé plusieurs sociétés de services en ligne, qui ont échoué, avant de trouver le succès avec une compagnie dédiée aux crypto-monnaies en 2013.
A présent directeur exécutif d’une société de conseil technologique, il finance le fonds d’investissements dans les NFT Metapurse.
Le jeune entrepreneur dément avoir voulu avec ce coup d’éclat augmenter la valeur de ses autres NFT, une accusation formulée par certains critiques. Et assure vouloir aider les artistes en popularisant l’art numérique.
Mais pour certains analystes, les NFT restent une bulle qui ne profite qu’à un petit nombre.
«Je vois quelques artistes qui obtiennent beaucoup d’argent parce qu’ils sont au bon endroit au bon moment», relève Antonio Fatas, professeur à l’école de commerce INSEAD. Mais cela n’aide pas les autres artistes, nuance-t-il.