Déchirés entre paranoïa et laisser-aller, les personnages du film Première vague, premier long métrage à traiter de la pandémie au Québec, illustrent durement, mais avec justesse, la réalité des jeunes Montréalais durant les cent premiers jours de confinement. Le film est présenté au festival les Rendez-vous Québec Cinéma du 28 avril au 8 mai.
Choquant du début à la fin par son réalisme, le film replonge le téléspectateur dans la première vague de la COVID-19, la pandémie sévissant toujours. Le documentaire-fiction, produit par Kino Montréal, précipite son public dans les vies de Samuel, Fanny, Daniel et Marianne, résidents de Montréal, et dans leur dilemme entre le respect des mesures sanitaires et leur envie de vivre.
Ces quatre jeunes adultes tentent tant bien que mal de gérer leurs interactions sociales, ainsi que leur santé mentale au moment du premier confinement au Québec.
En pleine troisième vague, il est difficile de croire que le Québec est prêt à voir un tel film. Certains seront heureux de se reconnaître dans les personnages à l’écran, alors que d’autres seront choqués de revivre les événements traumatisants de l’année dernière; un peu comme rouvrir une plaie qui n’a pas eu le temps de cicatriser.
Pourtant, d’après Jarrett Mann, directeur général et artistique de l’organisme Kino Montréal, c’est aujourd’hui que le public montréalais est le plus à même de voir ce film : «On espère que les gens vont se reconnaître et, qu’étrangement, ça va leur faire un peu de bien de se voir à l’écran vivre ces événements-là», explique M. Mann.
Il souligne qu’il peut s’agir d’une expérience intéressante, une façon de se souvenir comment tout cela a débuté. «Un peu pour se rappeler tout le chemin qu’on a parcouru, combien c’était étrange au début de la pandémie et du confinement, puis maintenant que c’est rendu notre quotidien», déclare-t-il.
Le but du projet est, entre autres, de faire en sorte que le public québécois puisse enfin se voir sur les écrans. M. Mann explique que, depuis le début de la pandémie, tous les projets cinématographiques font abstraction de la crise sanitaire, un peu comme si la COVID-19 n’avait pas sa place au cinéma.
Pour lui, l’important, «c’était de faire un film qui allait se dérouler dans ce qu’on vivait à ce moment-là. C’était très important aussi de le faire assez rapidement, collé sur les événements desquels on s’inspirait et, non pas faire un film dans cinq ans qui parlerait du début de la pandémie».
D’après le directeur, il était nécessaire de réaliser et de sortir ce film, au moment même où l’on vit cette situation et que le Québec est encore en plein «dans l’action».
Un projet audacieux
Pas moins de quatre réalisateurs ont travaillé sur le projet. Max Dufaud, Kevin T. Landry, Reda Lahmouid et Rémi Fréchette avaient chacun la responsabilité de développer un des personnages du film. Cette collaboration des réalisateurs a permis l’évolution d’une intrigue élaborée, mais aussi la création d’un lien entre les personnages qui finissent tous par se croiser à un moment de l’histoire.
Le directeur de Kino Montréal souligne que l’intention de cette collaboration entre les quatre réalisateurs est surtout d’obtenir une diversité de points de vue sur la situation de la pandémie à Montréal. «[Les personnages] avec leur regard, leur vécu, avaient tous une histoire qu’ils voulaient raconter et qui vient se mélanger avec les autres.»
Il s’agit également du premier long métrage auquel collabore Kino Montréal, un organisme qui soutient habituellement la création de courts métrages. Jarrett Mann raconte que la pandémie a obligé Kino Montréal à travailler sur un plus petit nombre de projets.
«Tous les tournages ont été arrêtés au début de la pandémie. Même quand on a commencé à travailler sur Première vague, il n’y avait pas de tournage à Montréal», explique M. Mann. Ainsi, l’organisme qui a l’habitude de travailler sur une dizaine de projets par année s’est plutôt concentré sur un «gros projet plus marquant», en 2020.
Legault comme narrateur
Le film suit l’ordre chronologique du temps et est découpé par les différentes dates marquantes de la première vague de la pandémie. Au début du film, chaque nouvelle date est suivie d’un extrait d’un point de presse du premier ministre québécois, François Legault. Ses interventions régulières dans le film font pratiquement de lui le narrateur de l’histoire.
Jarrett Mann explique d’ailleurs que la présence de Legault a influencé les réalisateurs dans leur création. «Il est très, très présent au début du film, dans les premiers jours. Donc, on voulait aussi refléter ça», raconte-t-il.
D’après Jarrett Mann, Première vague est un film qui restera dans les annales. «Je pense que ça va devenir de plus en plus spécial de le regarder, à mesure qu’on va oublier ce qu’on a vécu et comment on l’a vécu aussi», explique-t-il.
Ce texte a été produit par l’École des médias de l’UQÀM. Le texte original se trouve ici.