Quatre ans après son premier roman, qui avait été un coup de cœur immédiat, Kim Thúy nous replonge dans la culture de son Vietnam natal. Au fil des différences et des similitudes entre son pays d’origine et son pays d’adoption, l’auteure aborde l’amour, sous toutes ses formes.
Ça commence comme une fable. L’histoire d’une petite fille, qui a changé trois fois de maman, au Vietnam.
Cette petite fille devient vite adulte et débarque au Québec après un mariage arrangé avec un Vietnamien d’origine. On suit avec ravissement l’histoire de cette héroïne débordante d’humilité qui ouvre un petit restaurant vietnamien.
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À travers le succès de sa cuisine réconfortante, puis métissée, on se plaît à suivre Mãn dans sa découverte de la culture québécoise, en même temps qu’on apprend à connaître la sienne. «Ce sont deux cultures qui se marient très bien. Un peu comme le sirop d’érable et la sauce de poisson. Deux choses qu’on ne mettrait ensemble au départ, mais, une fois mélangées, c’est parfait!» s’exclame d’un air gourmand Kim Thúy, qui a elle-même été restauratrice.
C’est pour cette raison que l’auteure a inséré sur chaque page des mots traduits en vietnamien, une langue qui utilise le même alphabet que le français, en plus de petits symboles qui modifient le ton ou la valeur phonétique.
Tout au long de ce parcours parsemé de découvertes, il y a l’amour, ce sujet intarissable et insaisissable. L’amour maternel, l’amour amical, l’amour de son pays… et l’amour amoureux, que le personnage principal n’a jamais connu. «Ça tourne autour du verbe aimer, des manières d’aimer, souligne Kim Thúy, souriante. Parce que même si on croit que c’est naturel, ce ne l’est pas. On peut aimer sans savoir bien aimer l’autre. C’est tout un apprentissage.»
D’autant plus qu’aimer à la québécoise est très différent d’aimer à la vietnamienne, souligne l’auteure, qui a appris à faire battre son cœur des deux façons, puisqu’elle est arrivée au Québec à 10 ans. «On peut aimer de tellement de manières, illustre-t-elle. Oui, on peut dire des “je t’aime”, mais partager 15 grains de sel avec son enfant, quand tu en as 30 par jour, c’est le plus grand geste d’amour.»
La protagoniste du roman sera donc plus d’une fois confrontée à ces différences culturelles, épaulée par son amie Julie. Cette Julie qui l’accueille à bras ouverts, qui lui apprendra à donner des marques d’affection à ses enfants et à respirer profondément, à «mordre dans la pomme», comme elle dit. «J’ai eu plusieurs Julie dans ma vie; c’est une combinaison de toutes les personnes qui m’ont tenu la main et m’ont fait traverser des rues, goûter à de nouvelles saveurs, vivre de nouvelles expériences», se remémore avec une pointe de nostalgie la pétillante auteure.
Et l’amour avec un grand A, celui-là sera étranger à Mãn, jusqu’à ce qu’un inconnu lui serre la main une seconde de trop. Cet amour-là, Kim Thúy a beaucoup plus de mal à l’expliquer. Est-ce que c’est la rencontre de plusieurs critères absolus? Probablement pas. «Est-ce que c’est une question chimique… je ne sais pas, c’est impalpable. Alors oui, on continue à en parler, parce qu’on n’en a aucune idée, de ce que c’est!» lance-t-elle dans un éclat de rire.
À la soupe!
Une soupe au poisson poché et aux crevettes caramélisées, un gâteau aux bananes et au caramel de sucre de canne… Lire Man donne définitivement l’eau à la bouche.
C’est que l’auteure s’est inspirée de ses années d’expérience en tant que restauratrice pour décrire toutes les saveurs et les produits qu’elle a côtoyés. «Parce que cuisiner, c’est peut-être le geste le plus affectueux qu’on peut poser pour quelqu’un», croit-elle. Son personnage a d’ailleurs le don de cuisiner LE plat qui réconfortera ou émouvra un client seul, avec le mal du pays.
Mãn, Kim Thúy le voit d’ailleurs comme un gros repas qu’elle vient de finir de cuisiner. «Maintenant, c’est le temps de s’asseoir, de partager avec ses invités et d’avoir du plaisir!»
Mais rassurez-vous, elle compte bien concevoir un autre menu.
Mãn
Éditions Libre Expressions
En librairie mercredi