Culture

J’veux des BD, tabar***!

Qu’ont en commun Charlebois, Deschamps, Forestier, Mouffe, Kissinger, Allende et Pinochet? Ils sont désormais des personnages de deux œuvres «bédéesques» québécoises distinctes signées Vaillancourt-Rouyère.

En moins d’une semaine ont paru Kissinger et nous (22 mars) et Charlebois & l’osstidgang (28 mars). Deux bédés scénarisées par Ami Vaillancourt et dessinées par Bruno Rouyère. La première, l’équivalent de quatre albums, raconte les péripéties de quatre amies activistes pendant le putsch militaire au Chili (1973), tandis que la seconde invente un été mouvementé à la campagne pour le jeune Charlebois et sa bande composée de Mouffe, de Louise Forestier et d’Yvon Deschamps.

«Si je suis né, c’est grâce à Kissinger et à Carter», lance, ironique, Ami Vaillancourt en expliquant que la trame de Kissinger et nous lui a été inspirée par sa mère, une ancienne militante contrainte de fuir le Chili de Pinochet avant de se retrouver au Québec, où elle a rencontré celui qui allait devenir le papa d’Ami. C’est pour rendre hommage à ces femmes qui ont décidé de suivre un entraînement de guérilleros dans la jungle bolivienne, afin de faire éventuellement partie de la garde rapprochée du président Allende, que l’Ami Vaillancourt a entrepris ce récit romancé. «La plupart des amies de ma mère, qui avait 26 ans à l’époque, sont décédées ou ont disparu. Plusieurs ont été violées, torturées… C’est une histoire que je portais en moi depuis l’enfance», explique, ému, l’auteur de 37 ans encore fan de Peyo.

Manque de bol, il avait beau éplucher les portfolios, il n’arrivait pas à trouver un dessinateur dont le style l’aurait subjugué. C’est en marchant un jour sur le boulevard Saint-Laurent que son regard croise, dans la vitrine de la Galerie du Viaduc, une magnifique reproduction d’une case tirée d’une expo consacrée au neuvième art. Vaillancourt téléphone à son éditeur et lui fait part de sa trouvaille. Quelques jours plus tard, le scénario de 200 pages se retrouve entre les mains du dessinateur en question, Bruno Rouyère, qui le dévore et accepte de prendre part au projet. «Si j’avais su la somme de travail que ça représentait, je ne l’aurais jamais fait», sourit Rouyère en ajoutant : «Si tu traverses l’Atlantique à la nage, tu ne reviens pas une fois rendu au milieu de l’océan.»

C’est qu’il aura fallu quatre ans de labeur pour mener ce projet à terme. C’est d’ailleurs pour cela que les deux comparses ont fait une pause et, histoire de se changer les idées et peut-être de toucher une avance, se sont attaqués à Charlebois & l’osstidgang. Une autre œuvre, en couleur celle-là, qui, à l’opposé de l’autre, est totalement fabulée. Cet album sera suivi de huit autres, un pour chaque domaine artistique.

Pourquoi Charlebois, Ami? «À l’image de Maurice Richard, il s’agit d’un personnage plus grand que nature qui incarne autre chose que ce qu’il est réellement. C’était ce personnage et son apport qui m’intéressaient. Pas l’individu. Il a produit du matériel, et nous, on l’a élevé au rang d’icône. Charlebois a plogué sa guitare et a dit : “J’veux du son, tabarnak!” Ça a soufflé tout le monde, cette énergie-là. L’Osstidcho, finalement, c’est aussi important que l’émeute du Forum dans l’histoire du Québec.»


(«Robert Charlebois est un personnage plus grand que nature qui incarne autre chose que ce qu’il est réellement.» – Ami Vaillancourt, à gauche sur la photo (aux côtés de Bruno Rouyère) / Collaboration spéciale)

Par la photo
Lorsqu’il a refait le parcours chilien intégral des protagonistes de Kissinger et nous, Ami Vaillancourt a pris 2 000 photos, qu’il a remises au dessinateur Rouyère. Pour Charlebois & l’osstidgang, Louise Forestier a beaucoup aidé l’auteur, notamment sur la question du langage. Charlebois, pour sa part, n’a pas participé au projet. Le lecteur averti prendra par ailleurs un malin plaisir à repérer les nombreuses références à l’œuvre de Garou 1er ou à celle d’Yvon Deschamps.

Kissinger et nous Charlebois & l’osstidgang
Glénat Éditions
Présentement en magasin

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