Culture

Sarah préfère la course, à la croisée des chemins

Après avoir conquis les spectateurs à Cannes, l’équipe de Sarah préfère la course rentre au bercail. Métro a discuté avec Chloé Robichaud, dont c’est le premier long métrage, et avec la Sarah du titre, Sophie Desmarais. Un personnage à une période charnière de sa vie, qui devra faire plus d’un choix.

La course a beau être au cœur de la vie de Sarah, personnage principal du premier long métrage de Chloé Robichaud, cette dernière n’a en aucun cas voulu faire un drame sportif de Sarah préfère la course. «Ce n’est pas un film sur la course… c’est un film sur une fille qui fait de la course, nuance la jeune réalisatrice. Sur une fille qui fuit ses émotions et qui en même temps court vers un objectif. C’est une métaphore que je trouvais intéressante… En plus, visuellement, la course… c’est beau!»

Comme son titre l’indique, Sarah préfère la course se penche sur la vie d’une jeune coureuse de Québec, recrutée par le club d’athlétisme de l’Université McGill à Mont­réal. Pour poursuivre son rêve, et bien qu’elle ne bénéficie pas du soutien financier de sa mère (Hélène Florent), Sarah (Sophie Desmarais) décide de déménager dans la métropole en colocation avec son ami Antoine (Jean-Sébastien Courchesne). Afin de subvenir à leurs besoins, les deux copains décident de se marier pour obtenir des prêts et bourses… Un statut civil qui plaira plus au jeune homme, un peu épris, qu’à Sarah, qui ne semble pas particulièrement intéressée à avoir une relation amoureuse avec lui, mais qui semble plutôt éprouver une attirance envers une camarade de course, Zoé (Geneviève Boivin-Roussy).

Une attirance qui demeure toutefois diffuse et qui n’est jamais verbalisée : «On devine que, dans cinq ans, elle va sans doute être une lesbienne épanouie, dit la cinéaste en souriant. Mais le film porte sur les choix qu’elle va devoir faire dans sa vie, et je ne trouvais pas que ça servait le propos général d’apporter une résolution à cette relation. Tout le film est axé sur le choix final que Sarah doit faire. Non pas choisir entre une fille et un gars, mais choisir ce qu’elle préfère : la course!

«Par ailleurs, son désir envers Zoé n’est pas forcément sexuel, ajoute Sophie Desmarais. Ça vient surtout du fait que cette fille-là est tellement différente d’elle! Il y a une liberté dans Zoé que Sarah envie parce qu’elle n’est pas capable de l’atteindre.»

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C’est d’ailleurs ce qui l’a séduite du personnage qu’elle joue : «La grande sensibilité de Sarah, et son incapacité à s’exprimer avec des mots, ça m’a touchée, affirme l’actrice. Cette fille s’exprime avec son corps, mais même avec son corps, elle n’est pas à l’aise, parfois – dans la scène de party, par exemple. Elle est comme pognée.»

Chloé Robichaud a justement choisi la jeune comédienne en raison de ce trait particulier du personnage, explique-t-elle. «Quand j’ai vu Décharge, dans lequel Sophie joue, j’avais déjà commencé l’écriture du film, et j’ai constaté à quel point c’est une actrice qui a du talent… et un regard, lance la réalisatrice. Pour Sarah, j’avais besoin d’une fille qui travaille avec son corps. Sarah n’utilise pas les mots, tout passe par son regard, par les détails. Et il n’y a que Sophie que je voyais pour livrer ça comme je le souhaitais.»

«Construire» Sarah a été tout un travail de composition, puisqu’il a fallu lui trouver un corps, une voix, une façon de parler, de toucher les choses, de regarder, énumère Sophie Desmarais. «Et sa façon de courir! Sarah ne court pas comme moi, fait remarquer son interprète. Elle n’a pas de groove. Elle court de façon raide, scolaire. Comme si elle n’avait pas de bassin.»

Ni Desmarais ni Robichaud ne connaissaient d’ailleurs particulièrement bien l’univers de la course, et un entraîneur d’athlétisme a coaché les actrices pendant six mois. «Mais à l’étape de la scénarisation, je ne voulais pas connaître trop de choses sur la course, je voulais me laisser aller dans un genre d’écriture naïve, précise Chloé Robichaud. C’est plus tard dans le processus que j’ai demandé conseil, et ma rencontre avec l’entraîneur a amené plein de petits détails super intéressants que j’ignorais, comme le fait que Sarah écrive ses temps de chrono dans sa main, ou que les filles aient toujours une montre.»

Même si elle ne connaissait pas beaucoup le monde de la course à pied, Chloé Robichaud s’identifie sans peine à la passion du personnage qu’elle a créé. «Faire le choix d’être cinéaste… c’est un drôle de choix, concède-t-elle. C’est comme la course, c’est difficile. Je pense que bien des jeunes vont se reconnaître dans ce désir de concrétiser un rêve un peu particulier.»

Pour sa part, Sophie Desmarais croit que le public aura «l’impression de rencontrer quelqu’un». «Parce que pour moi, c’est ça le film, dit-elle. La rencontre avec Sarah, une incursion dans une période de sa vie.»

La course aux trophées
Sarah préfère la course n’a peut-être pas gagné de prix au Festival de Cannes, où le film était sélectionné dans la catégorie Un certain regard, mais chose certaine, l’équipe revient au Québec avec une grande satisfaction, une bonne bouffée de confiance… et une certaine pression.

«C’est un autre genre de pression, précise Chloé Robichaud, dont le film Chef de meute avait fait partie en 2012 de la sélection des courts métrages en compétition officielle sur la Croisette. C’est sûr que j’aimerais beaucoup que le public soit au rendez-vous… Mais c’est hors de mon contrôle! J’ai fait le film, maintenant, je le laisse aller. Mais déjà, Cannes, ç’a donné une bonne idée… Les gens arrêtaient Sophie et Jean-Sébastien dans la rue pour leur dire à quel point ils avaient aimé leurs personnages.»

L’expérience cannoise s’est avérée positive pour Sophie Desmarais, qui fait aussi partie de la distribution du Démantèlement de Sébastien Pilote, primé à la Semaine de la critique. Indiewire a en effet nommé la jeune comédienne parmi les 10 actrices à surveiller sur la Croisette. «Je ne sais même pas si ça va changer quelque chose dans ma vie. Tout ce que j’espère, c’est que je continuerai à faire des films et à jouer au théâtre, lance humblement Desmarais, qui avoue néanmoins que le passage au prestigieux festival demeure un rêve pour qui œuvre dans le domaine du septième art. «Cannes, c’est un festival de cinéphiles, de grandes sélections, et se retrouver tout à coup là, avoir l’approbation de gens dont l’opinion a du poids, ça fait du bien, ça calme le cœur, ça donne de la confiance.»

Prochains projets
Quand pourra-t-on revoir Chloé Robichaud et Sophie Desmarais?

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Sarah préfère la course
En salle dès le 7 juin

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