Culture

L’autre maison: le quai des brumes

Marcel Sabourin, Émile Proulx-Cloutier et Roy Dupuis s’évadent de L’autre maison dans le sensible premier long métrage de fiction de Mathieu Roy.

La fuite est un fantôme qui rôde continuellement autour de ce film, récompensé au dernier Festival des films du monde. Lorsque la mémoire du père (Marcel Sabourin) est de plus en plus fragilisée par l’Alzheimer, l’aîné (Roy Dupuis) se dérobe à ses responsabilités en plongeant dans le travail et le cadet (Émile Proulx-Cloutier) cherche à noyer sa douleur dans l’alcool.

Malgré ces nuages qui font sentir leur présence et le scénario qui permet de se connecter à la souffrance du monde (via le premier-né, journaliste qui voyage en zones de guerre), L’autre maison demeure une œuvre généralement lumineuse, qui évolue du réalisme vers l’onirisme et l’impressionnisme.

Il s’agit surtout d’un hommage au père du réalisateur, qui a été emporté par cette maladie.

Bien que des liens se tissent entre le réel et la fiction (le grand frère du cinéaste est le présentateur de nouvelles Patrice Roy), il ne faudrait pas y voir une autobiographie déguisée.

«Jamais je n’aurais raconté notre histoire, assure Mathieu Roy, dont le précédent essai, Surviving Progress, s’est fait remarquer sur la scène mondiale. Je puise dans ce que j’ai vécu, mais après j’essaye de faire vivre des personnages autonomes.»

Et c’est tant mieux, s’il faut en croire Roy Dupuis, qui n’aurait probablement pas accepté ce rôle s’il avait dû camper un homme qui existe dans la réalité.

«Ce  n’est tellement pas essentiel à l’histoire, avoue celui qu’on a déjà pu voir cette année dans Cyanure et Roche, papier, ciseaux. Ce qui est intéressant, c’est la rivalité et les conflits entre les deux frères, la complexité de vivre quand un père s’efface tranquillement et qu’il n’est plus autonome. Comment on “deale” avec ça?»

Le premier réflexe est de prendre parti pour l’aidant naturel. Mais pas dans ce cas-ci, parce que celui défendu par Émile Proulx-Cloutier est tiraillé par ses démons.

«C’est un humain imparfait face à la tragédie, note son interprète. On montre là des recoins de l’âme humaine qui doivent être montrés… Mon plaisir comme comédien, c’est de me rendre à la limite de ce qu’on peut ne pas aimer chez quelqu’un tout en continuant à l’aimer.»

Motivation additionnelle
Sur le plateau de tournage de L’autre maison, Marcel Sabourin sentait qu’il participait à un projet important, et c’est ce qui l’a incité à prendre part à cette aventure.

«Si des individus sont touchés par ce film et qu’ils ont un mot à dire dans la façon de soigner cette maladie-là, ils ne se rendront plus au travail de la même manière. Ils s’y rendront en sachant qu’ils ont quelque chose à faire de plus grave. Ils vont trouver de l’enthousiasme là-dedans et ils vont encore mieux faire leur travail pour que leurs recherches aboutissent plus vite. Alors là, la vue aura fait son travail.»

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