TORONTO – La sortie de l’interprète de chant de gorge Tanya Tagaq sur la chasse au phoque, lundi soir, en recevant le prix de musique Polaris 2014, à Toronto, a suscité des remous chez les défenseurs des droits des animaux.
Après avoir remercié parents et producteurs, la chanteuse inuite, dans une parenthèse qui semblait improvisée, s’est portée à la défense de la chasse aux phoques, envoyant paître dans un coup de gueule bien senti l’organisme PETA, qui lutte contre les mauvais traitements infligés aux bêtes — notamment les animaux à fourrure.
Tanya Tagaq a invité les gens à consommer de la viande de phoque et à porter des vêtements fabriqués avec de la peau de phoque, comme le font déjà, a-t-elle dit, les membres des Premières Nations, qui luttent pour leur survie.
Au printemps dernier, la chanteuse avait publié sur internet une photo de sa fillette à côté d’un phoque mort, dans le cadre d’un mouvement en appui à la chasse traditionnelle pratiquée par les Inuits, qui serait menacée par les militants de PETA, selon des membres des Premières Nations.
À la suite de cette prise de position publique, la chanteuse soutient avoir été la cible de violentes critiques, ce qui ne l’a pas empêchée toutefois de poursuivre sa lutte.
Lundi soir, elle a profité de sa tribune, devant un parterre de gens de l’industrie de la musique, pour revenir à la charge.
«Je crois profondément que si les ‘hipsters’ peuvent mettre à la mode la fleur dans la barbe, ils peuvent le faire aussi avec le phoque. Allons!», a-t-elle lancé aux représentants de cette industrie qui fait et défait souvent les modes. «Et ‘fuck’ PETA!»
Joint mardi, le vice-président de PETA, Dan Mathews, s’est dit surpris par la sortie de la chanteuse inuite, qui était selon lui mal ciblée.
«Notre lutte vise — depuis toujours — le massacre des phoques pratiqué par l’industrie sur la côte est, une industrie dirigée par des Blancs, qui refilent aux Canadiens les millions de dollars engloutis pour soutenir un commerce inexistant», a-t-il expliqué dans un courriel à La Presse Canadienne. «L’interdiction des produits du phoque dans le monde, demandée par PETA — et finalement obtenue en Europe, notamment —, ne vise pas la chasse traditionnelle pratiquée par les Premières Nations.
«Tanya devrait arrêter de faire poser son bébé à côté d’un phoque mort, et lire davantage (sur la question)», a-t-il estimé.
Le prix Polaris, doté d’une bourse de 30 000 $, récompense le meilleur album sorti cette année au Canada, de l’avis des journalistes de la scène musicale au pays. La chanteuse gutturale, avec son disque «Animism», a coiffé au poteau cette année les vétérans Arcade Fire (lauréat en 2011), Drake et le Montréalais Owen Pallett (premier lauréat, en 2006). Les groupes montréalais Timber Timbre et Yamantaka // Sonic Titan étaient également finalistes, de même que Shad, Basia Bulat, Jessy Lanza et Mac DeMarco.
Le Polaris a déjà récompensé par le passé le groupe Karkwa, Patrick Watson et Feist.
Tanya Tagaq était finaliste pour la première fois mais elle roule sa bosse depuis plus d’une dizaine d’années. Elle a déjà été deux fois finaliste pour un prix Juno. «Alors, si vous aimez ce qu’on fait, vous devriez voir nos spectacles!», a-t-elle lancé lundi soir. «Maintenant, je dois quitter la scène, je me sens tout drôle — je ne suis à l’aise que quand je grogne…»