Est-ce qu’ICI Radio-Canada Télé regrettait sa décision d’entériner le Ti-Mé Show avant même sa première diffusion?
En prenant la décision de ne pas dévoiler son émission à la presse avant sa première (même si celle-ci était enregistrée depuis belle lurette), le nouveau bébé de Claude Meunier prenait l’antenne à reculons en envoyant toute sorte de mauvais signaux avant son dévoilement, sous prétexte de laisser la surprise à tout le monde en même temps.
La stratégie du diffuseur, ici, a créé énormément d’anticipation négative. Déjà que les attentes n’étaient pas très hautes depuis l’annonce du projet l’an dernier.
Donc, le Ti-Mé Show, est-ce que c’était si pire que ça? Oui, mais étrangement je m’attendais à pire. C’est dire à quel point la tactique de dévoilement à reculons du diffuseur a fonctionné d’une certaine façon. On s’attendait à un désastre complet, nous avons plutôt reçu la genèse d’un naufrage.
Un genre de victoire.
Ce qui agace d’entrée de jeu, c’est le concept très lourd de l’émission. Lourd comme dans contraignant. Lourd comme dans démodé. Lourd comme dans n’aurait jamais dû sortir des quatre murs de la salle de réunion.
Une scie ronde en carton avec effet sonore, vraiment? Un buzzer de gymnase? N’a-t-on rien appris du format « bonifié » du TVA Nouvelles?
C’est dommage, parce que Claude Meunier possède un aplomb apparent à l’animation et une répartie franche, sentie, intelligente. Il est encore capable de bien manier la plume et le verbe assassin. Le hic, c’est que les bonnes idées de Meunier sont ensevelies sous le poids du concept, les gadgets du décor, les rires commandés par l’animateur de foule et l’espace infini du studio.
Meunier et ses bonnes idées sont parachutés dans ce monde de sa création et le canot de secours est troué, irrécupérable. Le naufrage est inévitable.
C’est triste, parce que je n’ai pas envie de torpiller le travail de Claude Meunier et de Rémy Girard. J’ai grandi en écoutant les frasques de Ti-Mé et Pogo jusqu’à en user les rubans de mes vieux VHS. La petite vie, pour moi, c’est une école de la langue, de la comédie et de la télévision. C’est aussi du passé – comme les POG, le Discman et les clubs vidéo.
Il ne faut pas déterrer inutilement les morts – surtout pas quand ils ont l’ingrate tâche de manier eux-mêmes les pelles.
Je n’utilise pas souvent le mot honteux quand je parle de notre télévision, mais il s’applique ici. Honteux parce que ce genre de projet dévoile l’inertie d’une certaine sphère décisionnelle de notre télé qui refuse de vivre à son époque. On ne peut plus, en 2015, faire du talk-show comme dans le temps de Jean-Pierre Coallier ou, pire encore, comme dans le temps d’Ed Sullivan. La nostalgie des belles années, c’est touchant à petites doses, mais il faut regarder en avant.
Le Ti-Mé Show, c’est se refuser l’audace, la fougue et la surprise de la jeunesse, de la nouveauté, du présent.
Même une brochette très solide d’invitées pour la première émission n’a pas suffi. Julie Snyder a ouvert les portes de sa maison et a accepté d’être la première invitée d’un projet sur une chaîne concurrente. Et pourtant – ça ne levait pas du tout. Racoleur n’est peut-être pas le bon mot, mais c’est le seul qui me vient en tête.
Je suis déçu sans même avoir eu le luxe des attentes avant la diffusion. Déçu de voir un projet du genre recevoir le traitement royal sur notre télévision d’État quand des projets comme Série noire doivent se battre bec et ongle pour racler les fonds de tiroirs afin de survivre.
Je suis déçu et amer. C’est comme si on venait de gâcher un beau souvenir que j’avais de La petite vie, de Ti-Mé et de Claude Meunier. Ça va être quoi l’an prochain, cuisiner avec Rita Bougon?
Un peu d’audace, chers diffuseurs. Remarque, ça prend des couilles d’oser présenter une émission du genre dans l’univers très concurrentiel alimenté par l’internet et l’abondance de contenu selon les goûts et les envies des usagers.
Dommage que le courage se matérialise avec un concept quinze ans en retard et à la demande de qui au juste?