Un truc qui agace au Québec, c’est qu’on peut très facilement s’acheter des critiques favorables. Un petit visionnement de presse, du café, des viennoiseries et le tour est joué. Après, on ne peut presque plus se tromper aux yeux de la critique et la bonne impression initiale durera très longtemps. Voire trop longtemps.
C’est particulièrement vrai dans le monde de la télévision où tout le monde finit par se côtoyer, travailler ensemble ou partager des amis communs. Difficile alors de prendre ses distances afin de critiquer adéquatement et d’appeler un chat un chat.
Les beaux malaises de Martin Matte, c’est un peu ça.
On saluait l’audace de TVA la saison dernière pour sa comédie irrévérencieuse (même si pas tant quand on compare à ce qui se fait ailleurs) et ses sujets colorés qui font réfléchir. On soulignait aussi le brio des textes et l’interprétation impeccable de Martin Matte.
Ce n’était pas tout faux, mais ce n’est pas non plus une série parfaite à l’abri des reproches. L’épisode d’hier sur la pauvreté en est l’exemple flagrant.
Plusieurs critiques ayant vu les épisodes d’avance sont tombés des nues tellement ça « grinçait » comme façon de faire de la télé. Je paraphrase ici, mais ils appréciaient le fait de rire jaune devant une situation délicate.
Sauf que moi j’ose poser la question : elle est où l’audace quand on engraisse paresseusement des clichés vieux comme le monde sur la pauvreté?
Mettre en images une chanson de Plume Latraverse vieille de plus de 35 ans, est-ce vraiment un tour de force d’inventivité? Les Bougons, il y a dix ans déjà, avaient pas mal couvert le sujet avec, à la tête, le même auteur que Les beaux malaises (F. Avard).
Vous dites audace – j’entends déjà-vu, passons à autre chose.
C’est bien ça le problème de notre télé et du concubinage. La mémoire devient de plus en plus courte et le jugement de moins en moins objectif. On ne veut pas faire de peine à untel et, surtout, on ne veut pas perdre notre invitation pour les prochaines fois. Manquer le bateau et les « scoops » distribués par les départements de PR de nos diffuseurs, ça serait impensable. Ça ne se fait pas voyons.
Les beaux malaises, c’est une bonne série. C’est vrai que les textes sont bons et que Martin Matte nous présente une variation de son personnage très intéressante. Sauf que, de bonnes intentions et une bonne réputation ne sont pas synonymes d’immunité quand on produit un épisode décevant, paresseux et malaisant pour les mauvaises raisons.
«Les pauvres vont pas voir de shows, les pauvres sont ben qu’trop nonos »
C’est ce que Plume chantait et c’est aussi le message à retenir pour tous les auteurs qui veulent rire de la pauvreté. Les « pauvres », ça ne répliquent pas. Ils ne parlent pas fort et ne menaceront jamais vos subventions. Prenez des notes aspirants scénaristes, rire des pauvres c’est un « bar open » avec comme seule restriction la force des coups que vous balancez pour ne pas vous blesser vous-même.
Après tout, c’est drôle en cr*** rire des pauvres.
Beaux malaises vous dites – certainement dans ce cas-ci, sauf que la beauté reste à définir.
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BONUS : Au moins, la chanson reste toujours aussi bonne.