Culture

Chrystine Brouillet : Suspense sucré

Lorsqu’elle met en scène Maud Graham, sa fameuse enquêtrice, Chrystine Brouillet baigne toujours dans un univers sombre et ombrageux. Mais lorsqu’elle écrit un tome de son «autre série», soit celle où on suit Louise-la-tueuse, l’auteure plonge joyeusement dans l’humour et les excès. Elle adresse d’ailleurs une recommandation à ceux qui dégusteront son nouveau roman, La mort mène le bal: «Ne pas lire sans Prosecco!»

La mort rôde toujours dans les œuvres de Chrystine Brouillet. Parfois, elle est grave et glaciale, comme dans Silence de mort, justement, une enquête qu’avait menée sa populaire héroïne, Maud Graham, en 2008. Mais d’autres fois, ce sujet devient le prétexte d’une épopée drôlement moins torturée, comme dans son tout nouveau «polar gourmand» d’inspiration vénitienne.

Ce livre, il est pétillant comme le Spritz que Chrystine nous prépare lorsque nous la rencontrons chez elle. Sur la table trônent des desserts italiens qu’elle a concoctés pour rester dans la thématique: des tiramisus et du sabayon, accompagnés de bouteilles de vin mousseux qu’elle garde au froid dans un grand banc de neige, sur sa terrasse. «C’est le seul et unique avantage de l’hiver! s’esclaffe-t-elle. Je n’en vois aucun autre!» Entretien.

Dans La mort mène le bal, vous ramenez des personnages qui avaient déjà fait leur apparition dans les premiers volets, Chère voisine et Louise est de retour. Pourtant, vous ne faites pas de grande réintroduction de leur rôle, de leur occupation. En ce sens, diriez-vous que vous avez plus de liberté avec la série des Louise que celle des Maud?
J’ai plus de liberté dans le sens où je suis dans le mode de la comédie! Il faut que ça reste logique, mais le trait peut être plus gros. Je peux m’amuser, en mettre, être dans l’outrance et… ce n’est pas grave! (Rires) Je n’écris pas du tout de la même manière, d’ailleurs. Pour les Maud, je suis assise au bureau; pour les Louise, dans le canapé! Ce n’est pas le même univers. C’est très le fun d’avoir les deux. Je ne pourrais pas me passer de Maud, mais je ne peux plus me passer de Louise.

En ce qui concerne le vocabulaire, vous employez des mots plus colorés aussi, comme hippocampe ou ectoplasme. Est-ce que changer de série vous permet d’utiliser un champ lexical différent?
C’est surtout les dialogues qui ne sont pas les mêmes, parce que Louise est détachée de ses émotions. Elle est… quand même particulière. C’est une sociopathe! Elle n’est pas dans la séduction, n’est pas sensible à la beauté, n’a pas de rapports normaux avec les gens.

Lors de votre récent passage à Tout le monde en parle, vous disiez être une «psychorigide angoissée». Dans La mort mène le bal, vous faites intervenir Rafaele Secatto, un jeune homme perfectionniste, limite maniaque, qui aime tout ce qui est noir ou blanc. Dont le jus de canneberges. Blanc. Vous êtes-vous reconnue un peu en lui?
Euh… non! Je ne suis quand même pas maniaque dans ce sens-là! (Rires) J’ai des manies par contre, oui. Par exemple, là, les desserts sur la table sont tout croches. C’est correct. Mais s’ils étaient dans l’alignement et qu’il y en avait un qui dépassait, ça m’embêterait! (Rires)

Parlant de desserts, vous avez toujours exploré l’univers de la bouffe. Dans la série des Louise d’autant plus, puisque votre héroïne travaille dans un resto. Est-ce que ce détail vous permet de défendre le métier de chef? Dans ce tome, vous mentionnez les heures supplémentaires, la pression qu’ils ont sur les épaules…
Oui, oui! J’ai une GRANDE admiration pour les chefs. C’est une vocation! On ne fait pas ça pour l’argent! La gastronomie est un art. Comme la peinture ou la littérature. Ceux qui y dédient leur vie sont des créateurs qui ont une passion et une curiosité immenses! Au Québec, en plus, on a beaucoup de chefs écoresponsables et si on a une gastronomie intéressante, c’est parce qu’ils – je pense par exemple à Normand Laprise – ont été exigeants. Ils ont éduqué les gens. Et oui, je suis contente de pouvoir dire à quel point ils travaillent fort!

«Pour ce roman, j’ai fait plein de recherches sur les poisons. Et j’ai appris que sur mon terrain, il y a beaucoup de choses sympathiques! Il y a de quoi faire. Tentez-moi pas!» – Chrystine Brouillet, au sujet d’une arme de choix de son dernier polar

Vous avez souvent dit que les passages de vos livres que vous aimez le plus écrire sont justement ceux où vous parlez de cuisine. Aimez-vous autant ceux où vous vous glissez dans la tête des chats, comme dans ce livre?
Oh oui! Au quotidien, j’observe souvent les chats en me demandant à quoi ils pensent. Et je trouve ça chouette de me mettre à les imiter! Ils pensent en sons, en odeurs, bien plus que nous. J’essaye de m’imaginer comme ça serait plaisant de faire la cuisine si j’avais un odorat 50 ou 100 fois plus développé! Mmmm! (Rires)

Vous abordez brièvement le fait que le quartier Hochelaga-Maisonneuve s’embourgeoise, devient plus à la mode.
Devient plus à la mode, oui! Je trouve ça amusant, parce que quand je suis arrivée ici, c’est le Plateau qui commençait à changer. Là, il a changé pas mal, on ne peut plus circuler! Enfin. HoMa, je trouve ça bien, il y a plein de commerces sympathiques. C’est un quartier chouette, vivant, populaire. Mais avec des services. (Rires)

Le thème du carnaval est central dans le livre. Outre le fait qu’il ajoute une aura de mystère à l’intrigue, est-ce le genre de fête que vous affectionnez particulièrement?
La fête que j’aime le plus, c’est l’Halloween! (Contrairement à la Saint-Valentin, que je trouve tellement cruelle…!) Quand j’étais petite, à partir de juillet, je pensais à mon costume! Ç’a toujours été important. En plus, une soirée déguisée, ça multiplie les occasions de commettre le pire. Il y a plein de suspects. Qui se cache sous le masque? Alors quand j’ai pensé au Carnaval de Venise, je me suis dit ouh, yes! C’est quand même… spectaculaire! Rien à voir avec le Carnaval de Québec! (Rires)

La mort mène le bal
En librairie
Aux éditions de L’Homme

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