Berbère à l’âme nomade, Hindi Zahra, considérée souvent comme la fille spirituelle de Billie Holiday et de Django Reinhardt, débarque au Festival international de jazz de Montréal avec son nouvel album, Homeland.
Vous êtes maintenant très populaire un peu partout sur le globe. Comment parvenez-vous à concilier le côté superficiel de la machine du showbiz et votre âme nomade?
J’ai un lien très fort avec le public, avec qui je partage à la fois ma musique et ma vie. Bien sûr, il y a la promotion, qui n’est pas très naturelle pour moi, mais sur scène, c’est mon histoire que je révèle. Désormais, les artistes vivent de la scène. C’est ça, la réalité. Vendre des disques ne représente rien. Faire ce métier pour vendre ou pour être vu à la télévision, ce n’est pas normal. Moi, j’ai grandi dans une culture musicale populaire et vivante. Ce qui nous fait vivre, pas uniquement matériellement, mais en tant qu’artistes, nous qui venons d’ailleurs, ce sont les rencontres et les voyages.
Lorsque vous chantez sur scène ou dans un clip, comme Beautiful Tango, vous semblez habitée. À quoi pensez-vous dans ces moments-là?
Je ne pense à rien, justement, sinon à être un canal. Pour un artiste, le grand défi, c’est de ne pas mettre trop de réflexion dans sa façon d’être en tant que musicien. On doit s’effacer pour être au service de l’art et de la musique. Pour moi, c’est essentiel. Cette quête est difficile, parce que le cerveau et l’ego travaillent toujours et tentent de faire fonctionner la machine cérébrale.
Et comment parvient-on à maîtriser cet ego?
Il y a une grande part de méditation et de silence intérieur qui consistent, justement, à lui dire de se taire et de se laisser traverser par les émotions et les rencontres, plutôt que de toujours commenter ce qui se passe. Je ne dis pas que c’est facile, surtout dans l’univers du showbiz qui est un milieu superficiel. La quête de l’authenticité demeure un travail de tous les instants.
On a parfois l’impression que vous chantez pour les réfugiés du monde entier et que vous portez une certaine mélancolie.
Oui, mais je n’oublie jamais la lumière dans l’exil. La musique, c’est de la nostalgie avec de la lumière. Vous savez, le voyage, c’est de perdre tous les jours quelque chose, mais en gagnant aussi autre chose.
«Mon spectacle? Le voyage et la transe. Je veux amener les gens ailleurs et les accompagner dans un voyage rempli de douceur.» – Hindi Zahra
Certaines personnes vous ont reproché d’être allée chanter en Israël. Qu’est-ce qui vous a incitée à y aller, en dépit des appels au boycott de ce pays?
Mon père est propalestinien, et moi aussi, je suis proche des victimes de toutes les guerres, mais pour moi, la musique n’a pas de frontières. C’est pour cette raison que je vais jouer en Russie, aux États-Unis… Mon désir le plus fort est de jouer devant des êtres humains. Je ne vois pas la couleur des gens ni leur religion ou leur nationalité. Si j’étais d’accord avec le boycott, ça voudrait dire quoi? Ne pas laisser circuler l’énergie? […] J’ai rencontré la représentante des Palestiniens à la Communauté européenne, et elle-même est contre le boycott culturel.
Avez-vous reçu des menaces?
Oui, à maintes reprises, lorsque j’étais à New York, dans Brooklyn, un quartier où les Noirs, les Juifs, les Blancs riches et les Blancs pauvres vivent chacun de leur côté. J’étais dans ce décor, paradoxal quand on pense à la culture complètement cosmopolite dont cette ville a accouché, et je réfléchissais aux raisons qui m’incitaient à aller en Israël malgré les menaces. À cette époque, je regardais des entrevues de Bob Marley, et j’en ai vu une dans laquelle on lui a demandé: «Êtes-vous pour le peuple noir ou le peuple blanc?» Et il a répondu: «Je suis pour le peuple!» J’avais ma réponse.
Hindi Zahra
Au Club Soda
Dimanche à 18h