Culture

La guerre des tuques 3D: de bonne guerre

Trente ans après la sortie du célébrissime premier Conte pour tous, La guerre des tuques connaît une deuxième vie, cette fois sous la forme d’un film d’animation 3D stéréoscopique réalisé par Jean-François Pouliot et François Brisson.

Les Québécois qui ont grandi dans les années 1980 et 1990 savent immédiatement de quoi on parle si on lance: «La guerre, la guerre, c’est pas une raison pour se faire mal!», «Daniel Blanchette, de Victoriaville!» ou encore «T’as de la neige… là.» La guerre des tuques, cette histoire dans laquelle une bande d’enfants, pendant les vacances de Noël, se lancent dans une bagarre d’envergure autour d’un fort de neige, est ce qu’il convient d’appeler un classique. Grosse responsabilité, donc, que celle de s’attaquer à une adaptation pour mettre au goût du jour le Conte pour tous d’André Melançon. «C’est un film qui nous ressemble, qui raconte une histoire qui est de notre univers, affirme le réalisateur Jean-François Pouliot (La grande séduction). Alors quand on nous a offert ce film-là, on a senti qu’on portait quelque chose d’important et que le respect de l’âme de cette œuvre était primordial.»

C’est une pétition soumise au producteur du film original, Rock Demers, qui a été à l’origine de l’idée du remake. «Rock avait dit que si le film se refaisait, ça ne pourrait être qu’en animation, rappelle François Brisson, coréalisateur de La guerre des tuques 3D. À mon avis, c’était la meilleure chose à faire.» «De cette manière, on partait avec un univers qui était nécessairement autre, on n’avait pas le choix de repartir à zéro. On avait donc moins la pression de se demander si on voulait que ça ressemble au film original ou que ça soit différent, et de quelle manière ça serait différent, renchérit Jean-François Pouliot. Ça rendait la tâche moins délicate. Et si ça se trouve, grâce à l’animation, le résultat est peut-être plus fidèle au souvenir que les gens gardent du film, parce que je suis sûr que dans le souvenir de ceux qui l’ont vu à huit ou neuf ans, le fort est bien plus gros que ce qu’ils vont retrouver s’ils revoient le film original aujourd’hui!»

«Moi, j’aime les films d’animation comme Finding Nemo et Up. Ce ne sont pas seulement des films pour enfants, ce sont de sacrés bons films, point! On s’est donné ces références-là. On voulait faire un film avec la même humanité que Up. Il ne faut pas penser à l’enfant comme à un spectateur mineur. S’adresser à des enfants n’est pas une excuse pour être moins rigoureux.» – Jean-François Pouliot

Parce que le fort conçu par le studio d’animation Singing Frog dispose de multiples gadgets et dispositifs à faire rêver n’importe quel enfant – lesquels, bien sûr, n’auraient pas été possibles en version «réelle». Mais le tout conserve quand même un cachet plutôt intemporel, qui met de l’avant davantage l’imagination des enfants que la technologie de l’époque actuelle: «Les objets modernes, cinématographiquement, ce n’est pas très excitant. Voir François-les-lunettes inventer un algorithme sur un ordinateur, ça n’aurait pas été palpitant», fait remarquer le réalisateur. Je me souviens qu’il y a quelques années, j’avais acheté une caméra polaroïd que j’avais montrée au fils de 10 ans d’une amie à moi. Il n’en revenait pas, il a emmené ça à l’école, c’était la chose la plus incroyable, alors qu’il a pourtant grandi avec des appareils numériques! Les bébelles mécaniques qu’ils peuvent manipuler, c’est probablement ce qu’il y a de plus excitant pour les enfants.»

Unité de voix
Mariloup Wolfe, Nicholas Savard-L’Herbier, Catherine Trudeau, Sophie Cadieux, André Sauvé, et même Gildor Roy… les enfants de La guerre des tuques 3D sont interprétés par des acteurs adultes bien connus du grand public. «On a essayé les deux, avec des vrais enfants et avec des adultes, pour se rendre compte que considérant les subtilités qu’on voulait faire ressortir dans l’histoire, ça devenait peut-être un peu limitatif d’engager des enfants, explique Jean-François Pouliot. Trouver un enfant pour chaque rôle aurait été difficile, et il fallait une unité: soit seulement des enfants, soit seulement des adultes qui imitent des enfants, parce que notre oreille s’adapte à l’un ou à l’autre, alors qu’en mêlant les deux, il y aurait un clash. Alors après avoir pesé le pour et le contre, on a opté pour des voix d’adultes, ce qui nous permettait de jouir de cette subtilité de jeu dont on avait besoin.»

«On a mis tellement de nos émotions à nous dans le film, et je crois que ça se sent.» – François Brisson

Double deuil
Il n’y a que des enfants (et un chien, Cléo, le vieux Saint-Bernard au funeste destin) à l’écran de La guerre des tuques 3D – pour une question de budget (qui, on le rappelle, représente environ un quinzième de celui dont disposeraient des studios d’animation américains). Les réalisateurs ont décidé de couper les quelques apparitions de parents pour éviter d’avoir à concevoir des personnages en 3D pour une ou deux scènes. «Ça nous a permis de réaliser qu’ils étaient accessoires», fait remarquer Jean-François Pouliot. Néanmoins, un adulte absent joue un rôle important dans l’intrigue remaniée du film. Cette fois, Luc a hérité son clairon militaire non pas de son grand-père, mais de son papa décédé à la guerre, une mort dont il ne parle pas.

«On voulait rendre ça plus contemporain, et la guerre, en Afghanistan par exemple, touche la réalité d’enfants d’aujourd’hui, fait remarquer Jean-François Pouliot. Par ailleurs, on se disait que ça serait intéressant de développer un peu plus ce secret et de donner un arc dramatique à Luc. Si on lui faisait vivre un deuil non assumé, à la fin, Luc pourrait enfin le résoudre en aidant Pierre [le propriétaire de Cléo] à passer à travers sa propre épreuve. On trouvait que c’était une belle façon de venir appuyer cette fin déjà très belle et courageuse du film original, qui initiait les enfants à la réalité de la mort. Alors on s’est dit qu’on irait jusqu’au bout, et que Luc pourrait lui aussi porter un deuil, pour qu’il ait à lâcher prise et à accepter de poursuivre.»

Voix d’enfants

Métro a parlé à Mariloup Wolfe et à Nicholas Savard-L’Herbier, qui prêtent leurs voix aux personnages principaux de Sophie et de Luc.

Êtes-vous des enfants de La guerre des tuques?
Mariloup Wolfe: Moi, oui!
Nicholas Savard-L’Herbier: Moi, presque! Je l’ai connu un peu plus tard, mais c’est quand même un film de mon enfance.
Mariloup Wolfe: Tous les Contes pour tous sont des classiques de mon enfance, mais particulièrement La guerre des tuques. Peut-être à cause de l’âge que j’avais, du contexte dans lequel je l’ai vu, de l’esprit de cette gang dont on rêvait de faire partie… Mais c’est un film important, que j’ai vu, revu, acheté, et que mes enfants ont vu.

Et comment avez-vous réagi à l’idée d’un remake?
MW: J’étais tellement contente! Mes jeunes enfants adorent les films d’animation, alors savoir qu’un classique qui a marqué mon enfance serait repris en animation m’a tout de suite fait penser à eux.
NSL: J’ai trouvé que c’était une bonne idée! C’est une histoire tout indiquée pour un film d’animation, ça permettait des scènes encore plus épiques.

Vous prêtez vos voix à des personnages d’enfants. Comment avez-vous abordé cette contrainte?
NSL: Il s’agit d’aller chercher un jeu plus naïf, plus premier degré, de se remettre dans l’esprit d’un enfant : laisser tomber la logique, aller plutôt vers la spontanéité, vers quelque chose de plus naturel, de plus vrai. Retrouver une certaine légèreté dans le jeu.
MW: Mais en animation, on a souvent à prêter notre voix à des enfants, et honnêtement, je ne suis pas du genre à construire en pensant à ça. J’y vais à l’instinct, spontanément, selon l’image. Et puis nous deux, on reste proches de nos vraies voix. D’autres ont eu à faire un travail de composition, ce qui m’aurait plu aussi!

Et vous avez eu à dire un des dialogues les plus marquants: «T’as de la neige… là; t’as un trou dans ta mitaine»: c’est stressant?
MW: Il y a beaucoup de répliques-cultes, mais celle-là, c’est vrai qu’elle était stressante! Quand je l’ai vue passer, je me suis dit: «Ça y est! Il faut qu’on l’ait, parce que sinon on va se faire juger par tous les Québécois!»
NSL: C’était la dernière journée, et on a pris le temps de la faire exactement comme Jean-François la voulait. On ne pouvait pas la faire à moitié!

Quel nouvel aspect ou quelle nouvelle scène de l’histoire vous a séduit le plus?
NSL: Les innovations du fort. Les espèces de systèmes de rails au sous-sol, la machine qui fait des boules de neige… Ils ont pu faire le fort qu’ils voulaient vraiment faire, ce qui, dans le film original, n’était pas possible. J’aime que ça ait été mis au goût du jour en respectant l’esprit.
MW: Moi, j’aime que le dessin animé permette de tout grossir. Les personnages qui revolent plus loin, les plans de caméra magnifiques qu’ils ont pu se permettre…

Qu’aimeriez-vous que les gens ressentent en sortant du film?
MW: J’espère qu’ils seront aussi charmés que je l’ai été. Il ne faut pas s’attendre à ce que ça soit exactement pareil comme le film original, et se laisser transporter. J’espère que les nouvelles générations vont rêver autant avec le nouveau film que moi avec l’original quand j’étais petite. J’aimerais ça aussi que ça donne envie aux enfants d’aller jouer dehors!
NSL: Moi, j’espère que tout le monde qui aura vu le film va se rassembler et signer une pétition pour faire Les aventuriers du timbre perdu 3D! C’est la suite logique. Et je veux faire Tommy!


La guerre des tuques 3D
En salle dès le 13 novembre

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