Un an après sa sortie en France, où il a été chaleureusement accueilli, le film Tomboy sort dans les salles québécoises. Métro s’est entretenu la réalisatrice du film, Céline Sciamma.
Après avoir traité de l’ambiguïté des sentiments adolescents dans son premier film, Naissance des pieuvres, Celine Sciamma s’est attaquée à la notion de l’identité sexuelle chez les enfants. Tomboy raconte l’histoire de Laure, 10 ans, qui décide après un malentendu de se faire passer pour un garçon auprès des enfants de son nouveau quartier. La fillette fait de sa sœur la seule complice de son mensonge, mais tout vole en éclat lorsque ses parents ont vent de l’imposture.
Tomboy signifie «garçon manqué». Pourquoi avoir choisi ce nom anglais et non pas sa traduction française?
Je n’aime pas l’expression garçon manqué, qui a une notion d’échec. Mon film, je le voulais sur quelque chose de réussi. Tomboy, ça a un côté super héros enfantin. Il y a Superman, et il y a Tomboy. Et puis l’expression garçon manqué, je la percevais comme une insulte quand j’étais enfant. À l’époque, c’était les années 1980 et la mode des cheveux courts pour les petites filles.
Je me souviens de la sensation de se faire traiter de garçon manqué et surtout du questionnement qui en découlait.
Comment vous est venue l’idée de ce film?
J’avais envie de faire un film sur l’enfance et je cherchais une histoire qui aurait un moteur narratif fort. J’appréciais cette idée de double vie, du récit d’une infiltrée. J’aime beaucoup raconter des histoires de construction d’identité et surtout de troubles. Mes films ne tombent pas dans la psychologie ou dans des réponses définitives. Ils soulèvent des questions. C’est pour cela que j’aime ces âges qui sont à la frontière de l’enfance et de l’adolescence. Ils permettent de ne pas enfermer les personnages dans une identité, mais d’en explorer plusieurs.
Est-ce que c’est difficile de diriger des enfants?
Oui c’est difficile, mais je ne sais pas si c’est plus difficile que de diriger des adultes, car je n’ai jamais vraiment travaillé avec des adultes. En tout cas, c’est plus d’énergie que de diriger des adolescents. Les enfants fatiguent très vite et ont un besoin constant d’être divertis pour être en forme et donner d’eux-mêmes. On ne peut jamais se reposer sur son savoir-faire, il faut sans cesse inventer de nouvelle façon de les faire jouer. C’est un travail épuisant, mais tellement gratifiant, car on construit ensemble. Les enfants ne sont pas des bons ou des mauvais acteurs, tout dépend de la relation qu’on tisse ensemble. C’est une direction d’acteur très fusionnelle et intense, et pas sage du tout.
Vous avez filmé le groupe d’enfant à la manière d’une meute. Pourquoi ce parti pris?
Avec Tomboy, j’ai voulu montrer l’histoire de quelqu’un qui veut faire partie d’un groupe, qui veut se faire des amis. Devenir un garçon, pour une fille, c’est faire partie d’une équipe : les filles restent sur le bord du terrain, les garçons eux jouent au foot. J’avais envie de raconter les rituels de l’enfance, des rituels d’initiation, de groupe et de corps. Je voulais filmer la sensualité de ces corps. Pour tout cela, il me fallait une mise en scène très physique. Quand j’étais petite, j’avais l’impression de courir plus vite, de sauter plus haut. J’avais un rapport au monde très physique et ma mise en scène veut rendre cela.
Un casting d’enfant
«Le casting s’est fait dans l’urgence, car Tomboy est un film que j’ai fait sur un coup de tête», confie la réalisatrice. Pour accélérer le choix de ses acteurs, Celine Sciamma s’est tournée vers des agences de comédiens, même si elle n’aime pas forcément travailler ainsi. «Je leur ai dit que je voulais une petite fille qui pouvait ressembler à un garçon, explique-t-elle. La première qu’on m’a présentée, c’était la bonne.»
Pour qu’on puisse croire à l’alchimie entre Michael/Laure et ses camarades de jeux, la réalisatrice a choisi d’incorporer à la distribution les vrais amis de la jeune comédienne.
Tomboy
En salle dès vendredi
