Après avoir été propulsé au rang de superstar de la littérature avec La vérité sur l’affaire Harry Quebert, l’écrivain suisse Joël Dicker retrouve son personnage de Marcus Goldman dans Le livre des Baltimore, une histoire dans laquelle les apparences sont souvent trompeuses.
Joël Dicker n’avait pas encore 30 ans lorsqu’en 2012, son deuxième roman, La vérité sur l’affaire Harry Quebert, a été couronné du prix Goncourt des lycéens et du Grand prix du roman de l’Académie française, en plus de connaître un immense succès auprès du public. Un succès qu’il n’aurait jamais imaginé, assure le Genevois, que Métro a rencontré à l’occasion de son récent passage à Montréal. «Ça tient à rien! s’exclame-t-il. À un coup de chance, au fait d’être au bon endroit au bon moment.»
Cette gloire inattendue n’a pas poussé l’écrivain à s’asseoir sur ses lauriers, au contraire, et Joël Dicker a commencé Le livre des Baltimore presque tout de suite après la publication du roman précédent: «C’était indispensable, assure-t-il. Pour me libérer la tête et passer à autre chose. C’était une nécessité.» Et cette fois, une nouvelle variable s’est ajoutée: de (très) nombreux lecteurs l’attendaient avec impatience, ce nouveau livre. «Ça n’a pas été plus ou moins facile, juste une expérience différente, dit-il. Quoique c’est un peu plus compliqué d’essayer d’écrire alors que plein de gens autour nous demandent de refaire la même chose, alors qu’on a envie d’aller ailleurs.»
Parce que si le personnage du Livre des Baltimore est de nouveau le jeune écrivain américain Marcus Goldman – celui qui menait l’enquête dans La vérité sur l’affaire Harry Quebert pour découvrir le véritable coupable du meurtre dont son mentor et ami était accusé –, Le livre des Baltimore n’est pas «la même chose». «Les deux ont un peu la même couleur, mais pas le même goût», compare leur auteur. Ici, on plonge plutôt dans l’histoire familiale et personnelle de Marcus. Dicker évoque un mystérieux «drame» s’étant produit autour de l’oncle, de la tante et des cousins de Marcus – les Baltimore, cette partie de la famille plus aisée que la sienne qui provoquait en lui autant d’envie que d’amour quand il était jeune. Un «drame» qui l’a poussé à mettre fin à sa relation avec la femme dont il était éperdument amoureux, qu’il croise par hasard, des années plus tard, en Floride, où il est allé écrire…
Même s’il n’est pas basé sur une histoire de meurtre, Le livre des Baltimore est tout autant un page turner que son prédécesseur et se lit comme un thriller, au fur et à mesure que les secrets de famille s’éventent et que le beau vernis des apparences s’effrite. «C’est simplement la façon dont j’aime écrire, fait valoir l’auteur. J’aime l’idée d’écrire de la même façon que je le ferais si je racontais une histoire, en faisant les liens sur le moment: “Alors, ce personnage, ce qu’il faut que tu saches, c’est que 15 ans avant, il lui était arrivé tel truc…”»
Et puis, au fond, qu’est-ce qu’un thriller? questionne l’auteur. «Moi, je trouve que la vie est un suspense, en général. Il suffit de raconter les choses de la bonne façon. Parce que nous-mêmes, on se fait des histoires dans notre tête. Si par exemple, là, on voyait le père d’une amie arriver dans le lobby de l’hôtel où on se trouve actuellement, avec une femme qui n’est pas la sienne, notre réaction première ne serait probablement pas de nous dire qu’ils ont un déjeuner d’affaires ou qu’ils vont rejoindre un collègue de travail. On s’inventerait une histoire croustillante. On a ça dans le sang, quoi!»
«Tu ne peux pas présumer de l’envie ou du goût des gens. Alors quand tu écris, la seule personne qui compte, c’est toi, l’auteur. Il ne faut pas penser à après, à ce que le public pourrait vouloir; ça gâche tout. Tant que tu as du plaisir à te lever le matin et à te dire “Ah! Chouette, qu’est-ce qui va se passer aujourd’hui dans le livre?”, c’est tout ce qui compte.» – Joël Dicker
Parenthèse américaine
Le livre des Baltimore n’est pas une suite de La vérité sur l’affaire Harry Quebert et n’y fait jamais référence, mais Joël Dicker a tout de même eu envie de reprendre le personnage de Marcus Goldman, qui lui permettait de poursuivre ce qu’il qualifie de sa «parenthèse à l’américaine»: «J’aime beaucoup l’Amérique du Nord et ses paysages, c’est un truc qui m’attire beaucoup. Il y a, beaucoup plus qu’en Europe, ce mélange entre la nature et l’impact de l’homme, et j’avais envie de camper mes romans dans ce décor.»
Et si le jeune Suisse répète que son héros écrivain n’est pas son alter ego américain – «sauf pour ce qui est du lien très fort qui l’unit à ses cousins, qui est inspiré de mon amitié avec les miens», concède-t-il –, on ne peut s’empêcher de sentir que c’est Dicker qui nous parle par la bouche de Marcus, quand celui-ci explique que l’écriture d’un roman commence souvent par une galerie de personnages qui débarquent dans l’imaginaire de leur auteur, comme ça, sans prévenir, pour ne plus le quitter. «C’est vrai, quand j’écris, mes personnages, ils sont là, ils sont vivants, admet-il. Et c’est un bon guide pour savoir si ton personnage est réussi. Si tu as l’impression qu’il est vivant, qu’il te suit partout, alors c’est qu’il a bel et bien une raison d’exister.»