Le 20e anniversaire de POP Montréal est l’occasion de discuter avec Aïsha Vertus, alias Gayance, l’une des programmatrices du festival, qui travaille également sur plusieurs autres projets musicaux. Et l’automne promet d’être resplendissant pour l’artiste et DJ montréalaise à l’authenticité flamboyante.
Quel est votre rôle exact à POP Montréal?
J’ai commencé à POP Montréal en 2017. Mon titre, c’est music programming consultant. Je ne suis pas tout le temps là, mais quand je suis là, je suis là! Je collabore notamment avec Dan (fondateur et creative director), Haben (artist relations et ticketing director) et Eric (directeur des opérations). Notre job en tant qu’équipe de programmation est d’estimer et d’évaluer les coûts des spectacles. On ne peut pas juste dire qu’on veut Beyoncé, par exemple. Même si on connaît son prix, il faut savoir combien on va vendre de billets. Est-ce que ça vaut vraiment la peine? À combien on vend les places? Quelle est la capacité de la salle? Moi, j’ai toujours des grands rêves, mais l’équipe est là pour me faire redescendre sur terre, notamment par rapport à la sécurité. (Rires.) Je challenge toujours tout le monde! On m’appelle the disrupter!
Cette année, la programmation est essentiellement canadienne, voire nord-américaine. Pouvez-vous nous en dire plus sur cette 20e édition de POP Montréal?
Absolument! Il y a Cakes da Killa qui vient des États-Unis, entre autres. Même si j’ai poussé pour certains noms, j’ai en fait plutôt travaillé sur des événements hors festival, comme Emancipation Day. En août, on s’est associé à Emancipation of Arts à Toronto pour un spécial d’une heure sur CBC avec un spectacle au Théâtre Corona. Je ne suis qu’une consultante, mais je reste impliquée. Je trouve qu’après 20 ans, POP Montréal demeure façonné par des gens qui ne font pas semblant d’être inclusifs, qui sont toujours prêts à faire avancer leurs propres idées et qui veulent du changement social et culturel. Le résultat est qu’on a une vraie programmation équitable.
«À POP Montréal, on est une famille, des amis et on se donne pour la collectivité. D’où la longévité du festival!»
Gayance
Et la pandémie dans tout ça?
Les billets pour tous les shows, même s’ils sont gratuits, doivent être réservés, et ce, pour que les festivaliers puissent être retrouvés s’il y avait quoi que ce soit. C’est une forme de responsabilité. On veut faire la fête, se rassembler, mais le faire d’une manière intelligente.
Plus généralement, ce n’est pas facile d’être dans le domaine artistique en ce moment… La culture est le dernier des soucis de nos gouvernements. Et pourtant! Selon moi, après la santé, la culture est le domaine le plus important. C’est une forme d’éducation et de soin pour la santé mentale. Je réalise qu’on est quand même privilégiés au Canada, notamment avec la PCU, quand je vois mes amis en Belgique, aux Pays-Bas et aux États-Unis qui vivent beaucoup plus de stress financier. Mais on peut toujours rester critiques envers nos privilèges. Dans la vie, je suis pro-choix, et je trouve cela bien qu’en Europe les gens ont l’option de montrer soit une preuve vaccinale, soit un test négatif pour assister aux événements.
Quel est votre meilleur souvenir de POP Montréal?
Après avoir vu Teto Preto à São Paulo – un groupe brésilien légendaire et progressiste que j’avais adoré! –, on a décidé de booker un concert à POP Montréal en 2019. C’était dans le sous-sol du Rialto et tout le monde a déclaré que ce concert était l’un des meilleurs des dix dernières années! J’en suis vraiment contente, on a bien fait ça. C’était un très beau moment.
Vous êtes aussi très active sur Instagram. Quel est votre rapport aux réseaux sociaux?
Je trouve qu’il n’y a rien de plus toxique que les réseaux sociaux. Mon personnage en ligne est très proche de la réalité, à un filtre près, mais ce n’est pas le cas de tout le monde. À Montréal, il y a une espèce d’anxiété sociale très présente, car l’opinion des autres est trop importante et il faut absolument se montrer. Certains pensent que leur valeur dépend de ce qu’ils portent, d’où ils travaillent. This is bullshit. Moi, j’accorde de la valeur aux gens, à l’humain.
Vous avez plusieurs projets à venir. Comment s’annoncent les prochaines semaines?
No sleep! (Rires.) Là, il faut juste faire! Mon EP, Not Toning Down, sort mi-octobre. Il y aura notamment des collaborations avec Dapapa et Kayta. Ça prend du temps et de l’argent! Je vais faire toutes les jobs qu’il faut pour être sustainable. Les gens pensent souvent que les artistes se réveillent, font une chanson et la mettent sur Spotify. Ce n’est pas comme ça que ça marche! Il faut que ça passe entre les mains de certaines personnes et ça coûte de l’argent. Chacun doit être rémunéré et respecté pour son travail.
J’ai aussi hâte à la résidence d’artiste PHI Nord qui arrive. Être dans un chalet dans les Laurentides du 30 septembre au 15 octobre va me permettre de prendre des vacances créatives, de me déconnecter. Je vais me consacrer à ma musique, car c’est un processus très personnel. Parfois, quand je repense à mes voyages en Europe et au Brésil, je me dis que j’ai envie de raconter certaines histoires… Mais pour une fois, j’ai envie de garder le mystère sur ce qui arrive! (Rires.)