Un article de la journaliste Lia Lévesque de la Presse Canadienne, publié la semaine dernière dans un grand quotidien du Québec, faisait état de l’inquiétude des syndicats du secteur public au sujet de la reconduction des primes accordées aux psychologues dans les réseaux de la santé et de l’éducation.
Sans vouloir s’immiscer dans la négociation du renouvellement des conventions collectives des employés de l’État, l’Association des psychologues du Québec (APQ) et la Coalition des psychologues du réseau public québécois se disent concernées par la pénurie de psychologues dans le secteur public de la Santé et des Services sociaux et dans celui de l’Éducation. Cette situation de pénurie, dénoncée et bien documentée depuis plus d’une décennie, se dégrade sérieusement et cause préjudice à la population. Selon les estimations du Ministère de la Santé et des Services sociaux (2018), il faudra recruter presque 900 psychologues d’ici 2023 pour combler les besoins du réseau, compenser les départs à la retraite et l’exode des psychologues qui choisissent d’exercer au privé.
Ayant pris acte de cette situation précaire, l’APQ et la Coalition des psychologues du réseau public québécois désirent souligner que la profession de psychologue fait face à des problèmes d’attraction et de rétention majeurs dans le réseau public. À titre d’exemple, 75% des finissants qui obtiennent un doctorat en psychologie choisissent de travailler dans le secteur privé, et ce, principalement en raison des conditions salariales.
Afin de mieux comprendre l’attrait du secteur privé, nos deux organisations ont effectué un sondage en début d’année pour mesurer l’écart de rémunération qui subsiste entre les psychologues travaillant au public et ceux au privé. Ce sondage a révélé qu’il existait un écart d’au moins 27.3% entre les psychologues du secteur public et ceux du privé, et ce, en considérant entre autres tous les avantages sociaux offerts par le secteur public. Le problème de l’attractivité du secteur public va continuer de s’aggraver : d’ici 2023 le gouvernement du Québec estime qu’il manquera près du tiers des psychologues dans le réseau public. Cela aura malheureusement comme effet d’allonger les listes d’attente et d’amplifier la détresse humaine.
Les psychologues du réseau public ont un rôle essentiel à jouer auprès des clientèles les plus complexes et les plus vulnérables; il ne fait aucun doute que leur départ du réseau public entraînerait un très grand préjudice à la population, et ce, sans compter une perte majeure au plan économique. En effet, des études ont démontré que l’intervention des psychologues entraîne une réduction nette de 10% des coûts de santé et une réduction de 42% des jours de congé de maladie.
Pour l’instant, la population est grandement pénalisée. Il faut parfois plus d’un an d’attente afin de consulter un psychologue. Ces délais entraînent trop souvent des conséquences graves et parfois irréversibles; tentatives de suicide, violence envers les enfants, anxiété qui empêche d’apprendre ou de travailler, développement d’une dépendance, etc. Et lorsque la personne réussit à rencontrer un psychologue, elle doit souvent faire le constat que le suivi est raccourci, ce qui ne lui permet pas d’obtenir tout le traitement requis pour sa condition. Nous assistons alors au phénomène de la porte tournante, ces personnes revenant quelques mois plus tard, en souffrance à cause d’un suivi incomplet.
De plus, la pandémie a un grand impact sur la santé mentale des québécois et québécoises avec une importante augmentation de la détresse psychologique (anxiété, dépression, stress post-traumatique, etc.). La contribution des psychologues est plus que jamais nécessaire pour traiter les impacts de cette pandémie.
Afin d’attirer et de retenir les psychologues dans le réseau public et d’offrir des services psychologiques de qualité et accessibles à tous, un rattrapage salarial est essentiel. Nous sommes d’avis que le gouvernement du Québec doit envoyer un message clair aux psychologues. Ce message devrait démontrer un respect de leur formation doctorale et de leurs responsabilités, bref une reconnaissance de leur expertise.
Un psy n’est pas un luxe mais une nécessité.
Charles Roy, président, Association des psychologues du Québec
Karine Gauthier, Coalition des psychologues du réseau public québécois