Monsieur le Premier Ministre,
Cette lettre vous est adressée à titre personnel et n’engage pas les divers regroupements dont nous faisons partie. Nous tenons, par la présente, à vous exprimer notre colère à l’endroit du lamentable Projet de loi C-21. Ce projet de loi donne les apparences d’une réponse à vos engagements électoraux, mais dans la réalité il n’y répond aucunement et ne peut donc nous satisfaire. Bien que vous et votre gouvernement pourrez sans doute duper une importante partie de la population avec du verbiage politique et des slogans accrocheurs, vous ne pouvez pas duper les familles et les survivants qui se battent depuis plus de trente ans pour le contrôle des armes. Nous savons de quoi nous parlons.
Et pour comble d’insulte, vous avez présenté ce projet de loi comme une réponse à la douleur des victimes et de leurs familles. Comme vous le faites année après année lors de chaque commémoration à la mémoire des victimes, vous dites que vous partagez la peine et la souffrance que nous vivons. C’est faux, monsieur le Premier ministre. Car si tel était véritablement le cas, vous auriez eu le courage d’aller au bout de vos convictions. En déposant ce projet de loi, vous faites le jeu du lobby des armes. Dans quelques mois, au pire dans quelques années, la prohibition des armes d’assaut sera renversée par le prochain gouvernement conservateur (qui a déjà promis de le faire). Et nous n’aurons rien gagné. Encore une fois.
Réalisez-vous que votre projet de loi ne change rien? Demain, dans une semaine, dans un an, les tueurs de Polytechnique, de Dawson ou de la Mosquée, tous détenteurs de permis de possession et propriétaires d’armes d’assaut acquises légalement, pourraient commettre les mêmes massacres avec les mêmes armes et les mêmes chargeurs à grande capacité.
En effet, malgré les risques démontrés de ces armes, vous avez choisi de ne pas les retirer de la circulation! Vous dites qu’en aucun cas ces armes pourront tirer une seule balle légalement, mais vous n’exigez pas que ces dernières soient rendues inopérantes! Vous avez aussi opté de ne rien faire pour cesser la vente des chargeurs modifiables qui peuvent, par le simple retrait d’une goupille, retrouver leur pleine capacité illégale. 2 …3 Pourtant, 30 balles tirées en succession multiplient les dommages de même que le nombre de décès. Ça, nous le savons, malheureusement.
Non, nous ne serons pas plus en sécurité grâce à votre projet de loi.
Réalisez-vous que votre projet de loi ne corrige aucune des failles du système qui ont été identifiées par diverses enquêtes de coroners ou journalistiques en lien avec l’accès aux armes par des personnes à risque? Au contraire, vous proposez de responsabiliser davantage les victimes potentielles en leur offrant une démarche encore plus laborieuse et coûteuse en temps pour retirer les armes d’une personne menaçante. Pensez-vous qu’il est simple d’aller en cours lorsqu’on a peur? Ou de faire face à son agresseur pendant qu’on argumente pour lui enlever ses armes? Et le tout, sur la base des mêmes critères qui ont été insuffisants pour enlever les armes à des individus qui ont fini par tuer leurs plaignantes…
Non, nous ne serons pas plus en sécurité grâce à votre projet de loi.
Réalisez-vous que votre projet de Loi vise à créer une mosaïque de plus de 3000 législations auprès de municipalités qui n’ont jamais demandé et qui ne veulent pas de ce pouvoir? Quelle débâcle juridique et quelle approche inefficace! Un autre fardeau inutile sur les épaules des élus municipaux qui ont déjà assez avec la charge des services de proximité. Assumez vos propres responsabilités monsieur le Premier Ministre!
Non, nous ne serons pas plus en sécurité grâce à votre projet de loi.
Nous n’en pouvons plus. Nous avons eu le très grand privilège de vous rencontrer à quelques reprises depuis 2014, année du 25e anniversaire du féminicide à Polytechnique et seconde année de votre mandat à titre de chef du Parti Libéral du Canada. À chaque fois, vous avez exprimé votre compassion devant les événements et le drame qu’ont dû traverser les familles des victimes du 6 décembre 1989. À chaque fois, vous nous avez aussi personnellement manifesté votre intention de faire « le travail nécessaire » pour rétablir un contrôle des armes à feu raisonnable au Canada.
Nous vous avons cru lors des élections de 2015: « Sunny ways » disiez-vous. Votre ferveur lors des funérailles suivant l’attentat de la Mosquée de Québec en 2017 et encore lors de la première commémoration avait renouvelé notre confiance. La précision et l’étendue de votre promesse électorale de 2019, suivie des décrets qui ont gelé le marché des armes d’assaut du 1er mai 2020, nous a donné un réel espoir. Enfin, le Ruger mini-14 utilisé par le tueur à Polytechnique comme l’ensemble des armes semi-automatiques de style militaire seront bannies du Canada, pour de bon! Ne manquait que le projet qui allait pérenniser cette décision et les détails du programme de rachat obligatoire.
Or, avec le Projet de loi C-21, vous abandonnez les survivants, les familles des victimes, les témoins de violence par arme à feu en plus des générations futures. Si ce projet de loi n’est pas revu de manière radicale, si le programme de rachat n’est pas obligatoire, si une simple décision d’un futur gouvernement peut renverser l’interdiction des armes d’assaut, nous perdons la bataille, et nous perdons foi en vous et votre gouvernement.
M. Trudeau, nous, les survivants, les familles des victimes et les étudiants de Polytechnique avons créé le mouvement pour le contrôle des armes à feu dans la foulée des événements du 6 décembre 1989. En janvier 1990, nous avons tenu notre première conférence de presse pour réclamer l’amélioration de la loi canadienne. Depuis 31 ans, nous sommes engagés dans un combat difficile et acrimonieux pour un meilleur contrôle des armes à feu afin que le Canada soit un pays où les citoyens sont protégés de la violence armée et où, comme vous le disiez vous-même le 16 février dernier, nos enfants peuvent grandir avec un sentiment de sécurité. Mais avec votre projet de loi C21, cette possibilité devient illusoire.
Si vous poursuivez avec ce projet de loi, plus jamais nous n’accepterons de vous recevoir à nos côtés lorsque nous pleurerons la mort de nos filles, de nos sœurs, de nos amies, lors des commémorations annuelles.
SVP respectez la volonté de la grande majorité des Canadiens qui pense comme nous que notre sécurité vaut bien plus que le privilège de certains.
Soyez assuré de notre volonté de contribuer à la société canadienne et au sentiment de sécurité de nos concitoyens.
Veuillez agréer, Monsieur le Premier Ministre, l’expression de nos sentiments les meilleurs.
Suzanne Laplante Edward Mère d’Anne-Marie Edward
Jim Edward Père d’Anne-Marie
Edward Jimmy Edward Frère d’Anne-Marie Edward
Michelle Proulx Mère d’Anne-Marie Lemay
Isabel Lemay Sœur d’Anne-Marie Lemay
Sylvie Haviernick Sœur de Maud Haviernick
Jean-François Larivée, ing, M.Sc.A Diplômé de l’École Polytechnique – 1988 Époux de Maryse Laganière Pierre Lemay Père d’Anne-Marie Lemay
Carmen Pépin Mère d’Annie Turcotte
Donald Turcotte Frère d’Annie Turcotte
Fabiola Turcotte Nièce d’Annie Turcotte
Heidi Turcotte Nièce d’Annie Turcotte
Zoé Turcotte Nièce d’Annie Turcotte
Serge St-Arneault Frère de Annie St-Arneault
Laurette Perron Mère d’Annie St-Arneault
Lucie St-Arneault Soeur d’Annie St-Arneault
Sylvain St-Arneault Frère d’Annie St-Arneault
Henriette Thérrien Mère de Barbara Daigneault
Louise C. Daigneault Cousine de Barbara Daigneault Fonds Barbara Daigneault
Gilles Simoneau Oncle de Barbara Daignealt
Claude Jeanson Amie proche de la famille de Barbara Daignealt
Louise Laporte Amie proche de la famille de Barbara Daignealt
Louise Prévost Brisson Amie proche de la famille de Barbara Daignealt
Marcel Brisson Ami proche de la famille de Barbara Daignealt
Sylvie Bouchard, ing. Diplômée de l’École Polytechnique – 1992 Survivante
Geneviève Cauden, ing. Diplômée de l’École Polytechnique – 1994 Survivante
France Chrétien, ing. Diplômée de l’École Polytechnique – 1990 Survivante
Josée Martin, ing Diplômée de l’École Polytechnique – 1990 Survivante
Nathalie Provost, M. Ing Diplômée de l’École Polytechnique – 1990 Survivante
Jean-Paul Baïlon, ing. Professeur à l’École Polytechnique (1971- 2008) Témoin
Martin Bureau, ing. Diplômé de l’École Polytechnique – 1992 Témoin
Benoît Laganière, ing. Diplômé de l’École Polytechnique – 1991 Témoin
Eric Pagé-Chavarie, ing. Diplômé de l’École Polytechnique – 1990 Témoin
Alain Perreault, B.ing Diplômé de l’École Polytechnique – 1990 Président de l’Association étudiante de Polytechnique 1989-1990, témoin
Heidi Rathjen, B.ing., Dr.h.c., LLD, C.S.M Diplômée de l’École Polytechnique – 1990 Témoin
Stéphane Rouillon, ing. Diplômé de l’École Polytechnique – 1992 Témoin
Hélène Thibault, B.ing. Diplômée de l’École Polytechnique – 1993 Témoin