LETTRE OUVERTE – Malgré l’annonce de la CNÉSST à l’effet que certaines travailleuses domestiques seront protégées en cas d’accident ou de maladie du travail à partir du 6 avril 2022, des milliers d’autres demeurent exclues du régime de réparation des lésions professionnelles. Les travailleuses domestiques seront malheureusement toujours discriminées puisque, contrairement à l’ensemble des travailleuses et travailleurs, leur protection sera conditionnelle à l’atteinte d’un seuil arbitraire d’heures de travail.
En mars 2021, plusieurs groupes de défense des droits humains, des groupes de travailleuses domestiques, des groupes de femmes et des organisations syndicales signaient une lettre commune dénonçant la discrimination contre les travailleuses domestiques. Exclues de la définition de « travailleur » au sens de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, ces travailleuses ne bénéficiaient pas de la couverture automatique de la CNÉSST en cas de lésion professionnelle. La réforme proposée par le ministre Jean Boulet, débattue à l’époque, n’offrait qu’une couverture conditionnelle aux travailleuses domestiques, sans mettre fin à la discrimination les visant.
La Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail a finalement été adoptée par l’Assemblée nationale le 30 septembre 2021. Une partie des dispositions de cette réforme entre en vigueur le 6 avril 2022, notamment celles concernant les travailleuses domestiques. Même s’il sera désormais possible, pour certaines travailleuses domestiques, de bénéficier d’une couverture automatique en cas d’accident ou de maladie du travail, des milliers d’autres demeureront exclues.
Pour bénéficier de la protection automatique de la loi, les travailleuses domestiques devront rencontrer des conditions ne s’appliquant à aucune autre catégorie de travailleuses ou de travailleurs. Une travailleuse domestique devra ainsi fournir une prestation de travail d’au moins 420 heures sur une période d’un an pour un même particulier ou 7 semaines consécutives d’au moins 30 heures de travail pour un même particulier pour être protégée par la loi. Si cette travailleuse n’atteint pas l’un de ces seuils, par exemple, parce qu’elle travaille à temps partiel ou pour plus d’un employeur, elle ne sera pas couverte en cas de lésion professionnelle.
Aucune autre catégorie n’est soumise à de telles conditions. Ainsi, une personne qui travaille seulement quatre heures par semaine dans un emploi occasionnel est protégé en cas d’accident, contrairement à une travailleuse domestique.
Cette discrimination est connue et dénoncée depuis longtemps. En 2008, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ) produisait un avis qualifiant de discriminatoire les dispositions excluant les travailleuses domestiques de la couverture automatique en cas de lésion professionnelle. L’avis de la CDPDJ faisait état d’une discrimination basée sur le sexe, l’origine ethnique et l’origine sociale. Historiquement, cette discrimination provient notamment du fait que ces travailleuses, souvent migrantes et de classes sociales moins nanties, exécutent des tâches considérées comme traditionnellement féminines et donc, dévalorisées.
Pour corriger cette discrimination, il faudrait permettre à toutes les travailleuses domestiques suivant la définition de la Convention no 189 de l’Organisation internationale du Travail de
bénéficier de la couverture automatique du régime de réparation. Selon cette définition, seule «une personne qui effectue un travail domestique seulement de manière occasionnelle ou sporadique sans en faire sa profession n’est pas un travailleur domestique», sans qu’un seuil d’heures arbitraire n’ait à être prouvé. C’est ce que demandaient bon nombre d’organisations dans le cadre des débats sur cette question lors de la réforme du ministre Boulet.
Les nouvelles dispositions ne font que perpétuer l’exclusion qui mine l’accès de milliers de travailleuses domestiques aux soins et indemnités en cas d’accident ou de maladie du travail. Pour assurer une réelle protection à ces travailleuses déjà vulnérabilisées par leur isolement et leur statut migratoire précaire, nous continuerons de revendiquer la protection automatique du régime de réparation des lésions professionnelles pour TOUTES les travailleuses domestiques.
Signataires
Association de défense des droits du personnel domestique de maison et de ferme (ADDPD), Centrale des syndicats du Québec (CSQ), Centre d’appui aux Philippines, Centre de documentation sur l’éducation des adultes et la condition féminine (CDÉACF), Centre international de solidarité ouvrière (CISO), Collectif pour un Québec sans pauvreté, Comité Marche mondiale des femmes – Estrie, Comité québécois femme et développement de l’Association québécoise des organismes de coopération internationale (CQFD-AQOCI), ConcertAction Femmes Estrie, Confédération des syndicats nationaux (CSN), Conseil central Montréal métropolitain de la CSN (CCMM-CSN), Conseil régional FTQ Montréal métropolitain (CRFTQMM), Fédération des femmes du Québec (FFQ), Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ), Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ), Femmes de diverses origines (WDO-FDO), Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU), Illusion-Emploi Estrie, Ligue des droits et libertés du Québec, Mouvement Action-Chômage Montréal (MAC Montréal), Organisation des femmes philippines du Québec /Filipino Women’s Organization in Quebec (Pinay), Productions Multi-Monde, Solidarité Laurentides Amérique centrale (SLAM), Solidarité populaire Estrie, Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP), Syndicat des employées et employés professionnels-les et de bureau Québec – section 574 (SEPB 574 CTC-FTQ), Union des travailleuses et travailleurs accidentés ou malades (Uttam)