CHRONIQUE – Signe irréfutable d’une élection prochaine, la chanson «Attention! Immigration!» se remet à jouer sinon à tue-tête, au moins en sourdine, à même les haut-parleurs de la nation.
Premier à partir la plus récente tournée, le Parti québécois, qui s’oppose à la demande des regroupements d’employeurs souhaitant faire passer le seuil actuel de 50 000 immigrants annuellement à 80 000. «On veut un débat fondé sur la science et non sur l’idéologie ou de fausses prémisses», de clamer son chef St-Pierre Plamondon.
Fort bien. D’aucuns s’attendraient ainsi, logiquement, à ce que le parti des Lévesque, Godin et Couture ait dans sa besace quelconque étude ou rapport justifiant son opposition à la hausse. Sauf que… non. Pour la science, faudra attendre encore un brin, apparemment.
Refusant de se faire piquer le micro, François Legault plaide d’abondant en assurant l’écho d’une chronique de Mathieu Bock-Côté: le fédéral se doit, péremptoirement, de fermer le chemin Roxham. Une «vraie passoire», de nous dire d’ailleurs son ministre de l’Immigration, Jean Boulet, celui-là même qui se désolait, en décembre dernier, que ledit chemin mette à mal les efforts de lutte à la Covid de son gouvernement en laissant passer des «réfugiés non vaccinés.»
De retour sur scène, St-Pierre Plamondon appuie aussi la requête bock-côtiste, déplorant un «mauvais coup du fédéral qui cherche intentionnellement à créer le désordre à notre frontière», tout en fustigeant le double jeu de Legault, lequel s’oppose au passage mais signe avec Ottawa un contrat de 50 millions afin de loger les demandeurs d’asile passant par Roxham.
Rien de neuf, donc, dans le domaine du showbiz identitaire.
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Mais au-delà de la chorale et des solos de batterie, qu’en est-il, concrètement, des impacts et conséquences du passage honni? Quelques faits et évidences.
Que malgré le claironnage à cet effet, le concept «d’immigrants illégaux» n’existe tout simplement pas, en droit international. Pourquoi? Parce que personne n’est illégal, justement. Parce que si le propre même de réfugié étant de se… réfugier, il est normal, voire parfois légitime, que certains arrivent au pays autrement que par des voies régulières. Dont Roxham.
Qu’une entrée par ce dernier signifie, au final, une prise en charge rapide et sécuritaire par la GRC et autres autorités frontalières. Est donc fausse l’assertion que chaque réfugié galopera, incognito et à jamais, en plein banc de neige québécois.
Que, pour les mêmes raisons, est aussi absurde le mythe voulant que n’importe quel bougre trouvera refuge en permanence au pays. En fait, si chaque réfugié devra procéder à une demande formelle d’asile – assez «légal» merci, non? – seuls ceux qui «fuient réellement la guerre, la persécution et d’autres contextes mettant leur vie en danger dans leur pays d’origine» pourront se les geler, maintenant avec nous, six mois par année.
Que nombre de critères empêchent la formulation de demande, notamment un refus préalable ou, encore, l’existence d’un dossier criminel lourd.
Que si Québec se charge des services de base dans l’attente de la décision relative à leur acceptation, le fédéral défraie, à cet égard, la grande partie de la note.
Que le véritable problème réside essentiellement dans l’Entente sur les pays sûrs, signé entre les États-Unis et le Canada, prévoyant ceci: tout migrant provenant du Sud qui se présente à un point officiel – par exemple Dorval – sera refoulé à la frontière. Ceci, on l’a compris, encourage grossièrement les entrées irrégulières. Actuellement contestée devant les tribunaux au motif qu’elle violerait les droits à la vie, liberté et sécurité protégés à l’article 7 de la Charte canadienne, vivement son invalidation, histoire de soigner cette incongruité institutionnalisée.
Que, par conséquent, fermer Roxham dans l’intervalle ne ferait que déplacer l’enjeu de quelques kilomètres, cette fois délesté des garanties de sécurité, ordre et humanisme actuellement propres au chemin décrié.
Que notre obligation morale envers les réfugiés devrait prévaloir, temps plein, sur quelques désagréments de nature logistique.
Qu’avec les prochains 220 millions de réfugiés climatiques annoncés par le GIEC, qui sait si, au final, les bienfaiteurs d’aujourd’hui ne seront pas les bénéficiaires de demain?