Selon des scientifiques, la destruction écologique, les ressources limitées et la croissance démographique pourraient déclencher un effondrement mondial. Métro explore la question.
De plus en plus de facteurs mettent en danger la stabilité de notre planète. Et ils pourraient même causer un effondrement mondial de la civilisation, selon une étude qui identifie les pays qui ont les meilleures chances d’y survivre.
Réalisée par Nick King et Aled Jones, de l’Institut mondial de la durabilité de l’Université Anglia Ruskin (ARU), l’enquête se concentre sur la «décomplexification», un renversement généralisé des tendances civilisationnelles récentes. Ce renversement pourrait mener à l’effondrement des chaînes d’approvisionnement, des accords internationaux et des structures financières mondiales.
L’étude, publiée dans la revue Sustainability, explique comment une combinaison de destruction écologique, de ressources limitées et de croissance de la population pourrait déclencher une réduction de la complexité globale de la civilisation, avec les changements climatiques comme «multiplicateurs de risques», exacerbant les tendances existantes.
Selon des scientifiques, cette «décomplexification» de la société pourrait se produire à la suite d’un «long déclin» – qui durerait des années ou des décennies – ou très rapidement, dans l’espace de moins d’un an, pratiquement sans avertissements. De plus, ils ont souligné que les effets pourraient se propager rapidement en raison de l’hyper-connectivité et de l’interdépendance croissantes de l’économie mondialisée.
Mais face à un éventuel effondrement de la société, il existe des pays avec de meilleures conditions pour survivre. L’étude en identifie cinq en examinant l’autosuffisance (ressources énergétiques et infrastructures manufacturières), la capacité de charge (terres disponibles pour l’agriculture et la population en général) et l’isolation (distance par rapport aux autres grands centres de population qui peuvent être sujets à des événements de déplacement).
Le Canada dans le peloton de tête
L’étude a conclu que parmi tous les pays du monde la Nouvelle-Zélande, l’Islande, le Royaume-Uni, l’Australie (particulièrement la Tasmanie) et l’Irlande étaient les pays qui sont préparés à maintenir les plus hauts niveaux de complexité sociale, technologique et organisationnelle à l’intérieur de leurs propres frontières si un effondrement global se produisait.
La Nouvelle-Zélande a le plus grand potentiel de survie en raison de sa capacité à produire de l’énergie géothermique et hydroélectrique, de ses terres agricoles abondantes et de sa population clairsemée.
Le Canada se trouve dans le peloton de tête des 20 pays les mieux placés pour survivre à un éventuel effondrement. Il se trouve en 18e position, entre la France et les États-Unis.
L’étude souligne que le Canada contient de vastes étendues nordiques, dont une partie pourrait accueillir des terres agricoles à cause des changements climatiques.
«Avec une augmentation moyenne des températures mondiales de 4°C, une bonne partie des terres des latitudes tropicales et subtropicales pourraient devenir non productives et dépeuplées, et des bandes côtières inondées seront chose commune à travers la planète. […] Le Canada, la Russie, la Scandinavie, la Nouvelle-Zélande et les îles britanniques […] pourraient demeurer habitables à cause de la poursuite d’activités agricoles et devenir des bouées de sauvetage pour certaines populations humaines», lit-on dans l’étude.
Mais d’autres pays pourraient-ils se tirer d’affaires s’ils se préparent? L’un des auteurs de l’étude affirme qu’en prenant certaines mesures, il est possible d’améliorer la résilience.
«Les actions visant à lutter contre les facteurs interdépendants des changements climatiques, la capacité agricole, l’énergie locale, la capacité de fabrication et la dépendance excessive à la complexité sont nécessaires pour améliorer la résilience des pays qui ne disposent pas des conditions de départ les plus favorables», explique Aled Jones, directeur de l’Institut de durabilité mondiale de l’Université Anglia Ruskin, au Royaume-Uni.
Avec la collaboration de Guillaume Guay-Morin
La réplique à…
Steve Ambler, professeur d’économie à l’UQAM et titulaire de la chaire de recherche David Dodge sur la politique monétaire à l’Institut C.D. Howe, de Toronto
Concernant l’étude
L’étude fait référence au livre Limits to Growth que j’avais lu en 1972 à l’école secondaire et à deux articles de Paul Ehrlich, biologiste de Stanford, qui a écrit des livres dans les 1960 et 1970 sur ses prédictions d’une explosion démographique qui allait mener à des disettes et à des dizaines sinon des centaines de millions de morts avant 1980. Pour moi, Ehrlich devrait recevoir un prix pour celui qui a prédit le plus des catastrophes qui ne sont jamais arrivées mais à qui on continue de prêter attention. Les prédictions de l’épuisement de plusieurs matières primaires du livre Limits to Growth ne se sont pas du tout réalisées. Au contraire.
Concernant la population
En dépit des prédictions d’une catastrophe démographique, il est plausible ou même probable que la population mondiale plafonne d’ici 20 ans.
Sur les ressources limitées
Notre utilisation de l’énergie devient de plus en plus efficient. Notre utilisation de la Terre pour de fins agricoles a déjà plafonné. Une surface considérable de la Terre redevient naturelle ou sauvage. Celle-ci devient sensiblement plus verte, avec un regain considérable de forêts. Je ne sais pas si vous connaissez le célèbre pari entre Paul Ehrlich et l’économiste Julian Simon. C’est Simon qui a gagné.
Je ne crois pas du tout à la prémisse d’un ‘’effondrement mondial’’. La vie en général devient plus prospère et plus sécuritaire.
Steve Ambler, Professeur d’économie, chaire de recherche David Dodge sur la politique monétaire à l’Institut C.D. Howe, de Toronto
Caractéristiques des pays survivants
1- Nouvelle-Zélande
-Faible population actuelle (5 millions)
-Forte proportion de terres agricoles (43,2%)
-Accès direct à l’océan Pacifique
-Pas de grandes masses continentales ou fortement peuplées à proximité
-Sources d’énergies renouvelables indigènes abondantes
-Économie moderne, mais principalement basée sur les ressources primaires
-Faibles capacités de production
2- Islande
-Population actuelle très faible (354 000)
-Proportion de terres agricoles modérée (18,7%)
-Accès direct à l’océan Atlantique Nord
-Pas de grandes masses continentales ou fortement peuplées à proximité
-Sources d’énergies renouvelables indigènes abondantes
-Économie moderne de haute technologie
-Faibles capacités de production
3- Le Royaume-Uni
-Population actuelle élevée (66,1 millions)
-Très haute proportion de terres agricoles (71%)
-Accès direct à l’océan Atlantique Nord et la Mer du Nord
-Le pays est séparé de la masse continentale eurasienne par un détroit de taille moyenne et est périphérique aux grands centres de population européens
-Sources d’énergies indigènes renouvelables et non renouvelables abondantes
-Économie moderne de haute technologie
-Grandes capacités de fabrication
4- Australie
-Population actuelle modérée (25,8 millions)
-Proportion importante de terres agricoles (52,9%)
-Accès direct aux océans Pacifique et Indien
-Le pays est séparé des îles périphériques de la masse continentale eurasienne par un détroit de taille moyenne et est périphérique aux principaux centres de population asiatiques
-Sources d’énergies indigènes renouvelables et non renouvelables abondantes
-Économie moderne de haute technologie
-Capacités de fabrication moyennement importantes
5- Irlande
-Faible population actuelle (5,2 millions)
-Proportion très élevée de terres agricoles (66,1%)
-Accès direct à l’océan Atlantique Nord
-Le pays est séparé de la masse continentale eurasienne par les îles bretonnes, une mer et un détroit de taille moyenne et est éloigné des grands centres de population européens
-Sources d’énergies indigènes renouvelables modérées
-Économie moderne mais principalement basée sur les ressources primaires
-Capacités de fabrication limitées modérées