Difficiles à ignorer, les influenceur.euse.s sont partout sur nos réseaux sociaux à faire la promotion de tout et de rien, générant des grands revenus. Leur savoir-faire marketing s’est-il rendu jusque dans les classes? La réponse est sans équivoque: impossible en 2022 de donner un cours de commercialisation sans parler d’influenceur.euse.s.
«Le marketing d’influence est devenu langage courant en enseignement à l’université», confirme Nour El-Mohri, fondatrice de Taam Studio, une agence de marketing d’influence spécialisée dans la promotion de la diversité.
À juste titre, les créateur.rice.s de contenu, comme on les appelle aussi, ont complètement révolutionné la manière dont les marques rejoignent les consommateur.trice.s, observe Émilie Poirier, présidente de l’agence de marketing numérique Mixoweb.
Selon le Digital Marketing Institute, 49% des consommateurs s’inspirent des influenceurs pour consommer, et 40% des consommateurs ont fait un achat après en avoir pris connaissance sur un média social.
Ce n’est pas tout: 70% des ados font davantage confiance aux influenceurs qu’aux célébrités, 40% des milléniaux affirment que leur influenceur préféré les comprend mieux que leurs amis, et 86% des femmes utilisent les médias sociaux pour rechercher des avis concernant leurs achats.
«Ils ont révolutionné la communication destinée au consommateur puisqu’ils s’adressent à un public très précis. En permettant de segmenter le public cible des entreprises, ils simplifient le placement média, explique Émilie Poirier. Aussi, ils donnent l’impression qu’on peut entrer dans leur vie, ce qui intéresse les gens. C’est notre côté voyeuriste. Les entreprises transposent ça à leur échelle. Les gens aiment cette impression de transparence et les entreprises gagnent à être transparentes.»
Pas encore au plein potentiel
S’il est commun que les professeur.e.s à l’université parlent de stratégie d’influence, Nour El-Mohri, qui a terminé sa maîtrise en commerce électronique à HEC Montréal en 2020, estime tout de même que les enseignements méritaient d’être peaufinés pour être plus en phase avec la réalité actuelle.
Comment on rémunère un influenceur.euse, comment on détermine la valeur de ce qu’il ou elle fait, combien vaut une photo, une story, etc., «les profs n’étaient pas capables d’aller dans ces détails parce que c’est relativement nouveau», explique-t-elle.
Il existe néanmoins des formations pour professionnel.le.s en communication et relations publiques qui vont plus en profondeur. Thara Tremblay-Nantel, présidente et fondatrice de Thara Communications est formatrice chez Grenier formation depuis cinq ans et donne un cours de marketing d’influence qui décortique le travail des influenceur.euse.s de A à Z. Une formation donnée en webdiffusion qui existe depuis huit ans.
Selon elle, un.e étudiant.e en marketing doit absolument savoir comment ça fonctionne avant d’intégrer le marché du travail.
«Les réseaux sociaux, ce n’est pas un phénomène passager. C’est sûr que ça va évoluer, il faut suivre les tendances des plateformes, ne pas se laisser dépasser. Si on n’embarque pas dans le train, il va passer tout droit», indique-t-elle.
Inévitables
«On a pris un certain temps à publier des articles scientifiques qui parlent d’influenceur.euse.s, indique Renato Hübner Barcelos, professeur de marketing à l’UQAM. Ça a commencé à partir de 2014-2015, mais au cours des trois ou quatre dernières années, il y a eu une explosion et on fait beaucoup plus de recherches sur le sujet.»
On enseigne notamment comment les intégrer dans une stratégie de marketing, quels sont les avantages, les inconvénients, et les façons d’optimiser leur impact. «Quand on parle de viralité, de gestion de marque, de gestion de crise, de publicité en ligne, d’algorithme des médias sociaux, on mentionne [inévitablement] les influenceur.euse.s», indique le professeur de l’UQAM.
Évidemment, difficile pour un professeur de parler des influenceur.euse.s sans évoquer certains risques. S’iels ont mauvaise presse – rappelons-nous l’épopée des voyageurs en route vers Tulum –, ça entache aussi les entreprises auxquelles iels sont associé.e.s.
Le cours des choses
Malgré la place plus grande qu’iels occupent dans le cursus scolaire, la naissance des influenceur.euse.s n’a pas fait en sorte que les anciens plans de cours de marketing ont été jetés à la poubelle, insiste la professeure de marketing Sandrine Prom Tep. «C’est le marketing qui est enseigné, en tenant compte et en incluant maintenant le phénomène des influenceur.euse.s.»
C’est la même chose chaque fois qu’un nouveau phénomène lié à l’émergence d’une nouvelle technologie se montre le bout du nez: celui-ci va forcément être intégré au cursus, sans que la pédagogie soit nécessairement modifiée.
À cet égard, Thara Tremblay-Nantel croit qu’il est important de suivre les tendances dans l’enseignement du marketing, que ce soit les influenceur.euse.s, les podcasts ou même le métavers, « sans non plus délaisser ce qui a fait ses preuves comme la télé et la radio».
«L’important, c’est de bien connaître l’écosystème de la communication», croit-elle.
Mais même s’iels sont mentionné.e.s en classe, les influenceur.euse.s ne viennent pour l’instant pas enseigner en classe, selon les expert.e.s interviewé.e.s par Métro.
«Je n’en ai jamais invité. Je veux éviter la promotion individuelle, mais j’invite des gens spécialisés en marketing de contenu ou d’influence», explique Sandrine Prom Tep.
Hors des bancs d’école, il existe aussi certaines formations, comme celles de E-influence, entreprise fondée par les créatrices de contenus québécoises Cindy Cournoyer et Lucie Rhéaume.