Ce n’est plus un secret pour personne : l’Ozempic peut aider à perdre du poids, même si ce médicament était d’abord destiné à traiter le diabète de type 2. Rencontre avec des femmes qui le prennent pour réduire leur tour de taille et qui, pour l’instant, n’ont aucun regret.
Les six patientes qui ont accepté de parler de leur expérience à Métro ne sont pas passées par le marché noir ou TikTok pour obtenir le médicament. Elles ont toutes reçu une prescription de leur médecin puisqu’elles répondaient à certains critères médicaux : elles avaient soit un indice de masse corporelle (IMC) supérieur à 30, soit un IMC supérieur à 27 accompagné d’autres problèmes de santé. Elles ont également dû prouver avoir essayé de perdre du poids en adoptant une alimentation saine et en faisant de l’exercice, sans succès.
Dans la majorité des cas interviewés par Métro, ce sont les professionnel.le.s de la santé qui ont proposé la prise de l’Ozempic en premier. Est-ce étonnant?
«Pour moi, c’est plus acceptable que ce soit des médecins qui abordent la prise du médicament [NDLR : considérant qu’ils ont l’expertise pour évaluer le meilleur traitement] plutôt que les patients», affirme le docteur Benoît Arsenault, aussi professeur titulaire au Département de médecine de l’Université Laval.
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Il admet cependant que l’inverse se produit puisque le public est, selon lui, «bombardé de publicités» vantant les propriétés amaigrissantes de l’Ozempic. Les patient.e.s qui n’en ont pas réellement besoin seraient de plus en plus nombreux.euses à en faire la demande pour perdre du poids.
Enfin, des résultats
Malgré ses nombreux efforts, Évelyne, 32 ans, ne voyait pas de changement sur la balance depuis des années. Comme beaucoup de gens, ses signaux de satiété sont déréglés et son métabolisme ne lui permet pas de perdre du poids naturellement. Elle est donc allée en thérapie pour tenter de changer sa relation avec son corps, aussi sans succès. La seule solution envisageable, selon elle, était de prendre l’Ozempic.
«J’ai commencé ça parce que j’étais tannée de me battre avec mon image. Je ne m’aimais plus.»
Et en moins de dix mois, celle qui veut prochainement devenir maman affirme être «très contente de [ses] résultats actuels». Elle a perdu plus de 40 livres, passant d’un poids de 252,4 livres à un poids de 210 livres.
Carole, 63 ans, a commencé à prendre l’Ozempic à la suite d’un important gain de poids dû à la prise d’antidépresseurs. Elle a d’abord eu recours à un autre médicament injectable antidiabétique qui atténue la sensation de faim, le Saxenda, entre septembre 2021 et janvier 2022, pour contrôler son poids. Le traitement lui avait fait perdre environ 20 livres en cinq mois, mais un plateau a été atteint. Elle s’est ensuite tournée vers l’Ozempic, et est passée de 187 livres à 140 livres en 13 mois, soit 47 livres en moins.
Des problèmes de santé autres que l’obésité justifieraient aussi la prise de l’Ozempic pour maigrir, selon Benoît Arsenault. Le professeur mentionne, par exemple, le prédiabète, les maladies du foie gras, l’hypertension, les problèmes liés aux lipides sanguins, et le cholestérol. Si le poids de ces patient.e.s n’était pas pris en charge avec le traitement coupe-faim, leurs problèmes auraient pu s’aggraver.
C’est le cas d’Émilie, 34 ans, dont la santé générale dépérissait. «Je lui ai [NDLR : à sa nutritionniste] parlé de mes problèmes de santé : ovaire polykystique, stéatose hépatique, maladie génétique des reins (hypokaliémie), prédiabète, obésité [IMC de 38], en plus de faire de l’hyperphagie et de l’orthorexie. Malgré une bonne alimentation, des séances de sport plusieurs fois par semaine et des marches quotidiennes, je n’étais même pas capable de perdre une livre.»
Sa situation s’est améliorée, de son point de vue, avec l’Ozempic. Ses crises d’hyperphagie ne sont pas revenues, ses symptômes physiques de prédiabète ont diminué et elle se sent, globalement, mieux. Son prochain suivi avec son gastroentérologue lui permettra de confirmer ou non ces progrès.
Bien que les résultats varient d’une personne à l’autre, étant nuls pour certains.es, toutes les patientes (toutes des femmes) avec qui l’on a discuté affirment avoir vu de grands changements sur la balance. Pour sa part, Émilie dit perdre environ une livre par semaine depuis qu’elle a commencé les injections d’Ozempic. Du jamais vu dans son cas.
Il faut savoir que les médecins prescrivent le traitement pour un usage hors indication en se fiant à un médicament similaire, le Wegovy. C’est que les effets à long terme de l’Ozempic sont encore méconnus : «On base donc notre choix sur l’avantage que ce médicament-là va conférer, par rapport à ses inconvénients», mentionne le Dr Arsenault.
Et la santé mentale dans tout ça?
Monica, 40 ans, affirme que le traitement qu’elle utilise depuis quelques mois et qui lui a «enfin» permis de perdre du poids a été comme une bouée sauvetage pour sa santé mentale. «Ayant souffert de boulimie pendant presque 30 ans, bien que “contrôlée” depuis un an, je ne voyais que mon poids augmenter, devenant en situation de grande obésité. Je mange bien, je bouge chaque jour, mais mon poids ne faisait que monter. C’est donc en crise et suicidaire dans le bureau de ma psychiatre qu’on m’a parlé de l’Ozempic.»
Pour elle, il n’était pas question d’avoir recours à la chirurgie bariatrique, une solution invasive de dernier recours. Sa psychiatre a donc transmis son cas au médecin, qui, après analyse, lui a prescrit le traitement. Dans toute sa carrière, le médecin n’a prescrit l’Ozempic qu’à seulement trois patientes, dont Monica.
De l’avis de Monica, sa médecin ne lui aurait pas recommandé ce médicament si elle n’avait pas un suivi psychologique serré en parallèle. Selon la psychologue Geneviève Beaulieu-Pelletier, ce soutien est non négociable – quoique non obligatoire selon les termes de la Santé publique – pour les personnes qui souffrent de troubles alimentaires et qui prennent l’Ozempic.
«Quand on parle de troubles alimentaires, c’est qu’il y a des distorsions qui sont là. Il y a un mal-être par rapport à soi. On ne peut pas mettre ça de côté. Ce n’est pas parce qu’on perd du poids que le trouble se règle automatiquement.»
En effet, ces consommateur.trice.s d’Ozempic verront souvent un changement physique radical – désiré, précisons-le. Mais les idéaux fixés sont rarement atteints, ce qui peut occasionner un deuil douloureux, prévient la psychologue, qui insiste sur l’importance de l’accompagnement pendant le traitement.
Des effets indésirables
Alors que nombre de personnes insinuent sur TikTok que le traitement est miraculeux, certains effets secondaires inconfortables associés à la prise de l’Ozempic passent parfois sous silence.
«Pour certains, les effets secondaires seront significatifs, à un point où leur qualité de vie va en souffrir et une certaine quantité d’entre eux décideront d’arrêter le médicament, remarque le Dr Arsenault. La majorité des personnes n’auront [cependant] aucun ou très peu d’effets secondaires.»
Parmi les effets secondaires les plus communs :
-Vomissements
-Diarrhée
-Constipation
-Maux de ventre
-Fatigue
Ces effets sont de nature gastro-intestinale, puisqu’Ozempic mime une hormone intestinale sécrétée naturellement qui régule la faim et provoque la sécrétion d’insuline dans le corps, hormone qui n’est pas produite ou produite en quantité insuffisante chez les personnes diabétiques.
Et les personnes chez qui ces effets indésirables se manifestent peuvent en souffrir à vie si elles ont réellement «besoin» de l’Ozempic. Le médicament doit être injecté chaque semaine, potentiellement à vie. Un arrêt, à moins d’apporter des changements significatifs dans ses habitudes, est souvent synonyme de reprise de poids, comme l’explique le Dr Richard Dumas, endocrinologue au CISSS Laval, dans une vidéo sur TikTok.
Des jugements qui pèsent lourd
Les personnes qui prennent l’Ozempic ne sont pas au bout de leur peine. Elles se font parfois reprocher de «voler» le traitement aux diabétiques, notamment depuis qu’une pénurie a été observée en Australie et aux États-Unis en raison de la popularité du médicament. «Il n’y a [cependant] pas de risque [de pénurie] au Québec à ma connaissance, mais c’est sûr que plus on parle, plus il y a de l’engouement et plus les gens cherchent à se le procurer», explique Yann Gosselin Gaudreault, pharmacien qui pratique à Alma.
L’idée que ces personnes sont «paresseuses» parce qu’elles optent pour la médication, une solution considérée comme plus «facile» que l’exercice, pour contrôler leur poids, renforce également la stigmatisation, souligne le Dr Benoît Arsenault. Au même titre que la minceur est un idéal de beauté, la perte de poids naturelle sans aide médicale est idéalisée. Les diètes – bien que décriées par nombre de nutritionnistes – sont même souvent préférées aux médicaments.
«[Je reçois] beaucoup, beaucoup de jugements faciles. Assez que maintenant, je dis seulement que j’ai fait une diète et ne mentionne plus l’utilisation d’Ozempic», confirme Carole à ce propos.
Métro a d’ailleurs rencontré beaucoup de réticence au moment d’approcher des membres de groupes Facebook consacrés aux discussions sur la prise de l’Ozempic pour la perte de poids.
Vers un Ozempic 2.0
L’Ozempic est en voie d’être détrôné par d’autres médicaments amaigrissants qui feront tranquillement leur entrée sur le marché – notamment un traitement à base de tirzépatide, approuvé aux États-Unis et présentement évalué par Santé Canada.
*Les prénoms et âges des personnes interviewées sont réels. Elles ont cependant préféré ne pas révéler leurs noms de famille.