À quoi sert le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE)? On peut se questionner en voyant la vitesse à laquelle de nombreux politiciens ont dégainé leur arme pour tirer sur le rapport lié au train électrique (REM) de la Caisse de dépôt.
Le ministre des Transports, Laurent Lessard, n’a pas hésité une seconde pour dire, sur un ton légèrement condescendant, que le BAPE a droit à son opinion, mais que le projet ira tout de même de l’avant. En d’autres mots, on tablettera le rapport aussi vite qu’on l’a reçu.
Denis Coderre, de son côté, juge que le BAPE cherche «des bibittes». Il a ramené le débat à une question aussi simpliste que biaisée: «Êtes-vous pour ou contre ce projet visionnaire qui est le plus important depuis les 50 dernières années?» On croirait entendre le fantôme de Jean Drapeau, justifiant ses grands projets au nom de la modernité.
Quant à Richard Bergeron, responsable des grands projets à la Ville de Montréal, il se demande de quoi se mêle le Bureau d’audiences publiques avec son rapport.
À écouter ces commentaires, on en vient à se demander pourquoi le BAPE existe. On le discrédite sur la place publique, tout en repoussant ses recommandations du revers de la main comme si c’était la peste. L’organisation n’a pourtant fait que son travail : écouter la population, soulever des interrogations et exiger des réponses de la Caisse.
Dire que le BAPE cherche «des bibittes» est d’autant plus méprisant. On ne sait toujours pas, par exemple, combien coûtera un passage pour s’asseoir dans ce fameux train électrique, une donnée cruciale pour analyser le montage financier. Il en va de même pour l’intégration des stations au paysage urbain, tout comme pour l’impact potentiel du REM sur d’autres lignes de transport.
Si le BAPE avait donné le feu vert au train électrique dans sa forme actuelle, la classe politique aurait célébré le rapport et s’en serait servi comme argument de vente auprès de la population. Mais comme les conclusions vont à contre-courant, on le dénigre sur-le-champ, mentionnant au passage que le BAPE a outrepassé son mandat, voire son champ d’expertise.
Il est vrai que cet exercice consultatif n’est pas parfait. En lisant le rapport, on a presque l’impression que le travail de la Caisse de dépôt est à jeter aux poubelles et à recommencer à zéro. J’exagère un peu, mais disons que les points positifs se font rares.
Or, ce projet de train électrique a beaucoup de potentiel. Un potentiel qu’on aurait dû souligner à plus gros traits. On ne doit cependant pas le réaliser n’importe comment ni à n’importe quel prix. Voilà ce qu’on doit retenir des commentaires du BAPE et des mémoires qui ont été déposés.
Depuis le départ, la Caisse de dépôt avance comme un bulldozer prêt à tout arracher sur son passage pour mettre sa vision sur les rails. On nous demande, d’un ton paternaliste, de lui faire confiance les yeux fermés.
Mais non. Les contribuables, tout comme les villes, ont le droit de lire les petits caractères en bas de ce contrat de 5,9 G$ avant de le signer. Plusieurs critiques du BAPE sont légitimes et méritent qu’on s’y attarde. Prendre quelques mois supplémentaires pour peaufiner le tout permettrait de s’assurer d’avoir tous les outils en main pour que ce projet devienne une véritable fierté.