Mets à emporter, livraison de boîtes repas prêt-à-manger, vente de produits épiciers: la crise sanitaire a poussé les acteurs de la restauration à diversifier leurs sources de revenus. Or, ces nouveaux modèles d’affaires semblent être là pour rester.
Avant même l’arrivée de la pandémie, le professeur de gestion à l’Institut de tourisme et d’hôtellerie du Québec (ITQH) François Pageau faisait la promotion des avantages qu’auraient les propriétaires de restaurants à diversifier leurs sources de revenus.
En effet, il indique que le revenu annuel moyen d’un restaurateur est de 500 000$ à 600 000$. «C’est famélique, dit-il. Ils font 5% de profit. On parle de 25 000$ de profit. Je ne me lève pas tous les matins pour 25 000$ de profit par année. Ça n’a pas de bon sens.»
Selon M. Pageau, la clé est donc d’offrir de nouveaux services tout en utilisant les mêmes installations. C’est ce que la pandémie a précipité.
«Plusieurs restaurateurs ont opté pour une des stratégies qui étaient proposées. La plus commune, ça a été de lancer des services de commandes pour emporter et des services de livraisons. Ça a été quasiment la seule option vraiment pour maintenir un chiffre d’affaires potable», explique le professeur.
De nouvelles divisions pour survivre
La Société Traiteur, une entreprise spécialisée dans les événements corporatifs et résidentiels, a créé trois nouvelles divisions en moins d’un an pour survivre à la pandémie.
En l’espace d’une semaine, Société Traiteur a perdu la totalité de son chiffre d’affaires, rapporte sa fondatrice, Marie-Pier Therrien. «Après la deuxième journée où on recevait des appels pour les annulations, on s’est dit qu’il fallait faire quelque chose tout de suite, raconte-t-elle. C’était impossible selon nous que les choses reviennent à la normale aussi rapidement qu’on l’aurait espéré.»
D’abord, son équipe a mis sur pied Prêt à table, un service de livraison de repas prêt-à-manger. «En l’espace de trois semaines, on avait un site opérationnel. C’était bien pour garder nos employés de base et garder la machine en route», mentionne Mme Therrien.
Ensuite, l’entreprise a créé Société Box, un service de livraison de boîtes cadeaux sur mesure. «On a fait des milliers d’envois aux mois de novembre et décembre. Ça a été un gros chiffre d’affaires qu’on a été cherché», se souvient la fondatrice.
Finalement, le traiteur a lancé Société Grazing, des boîtes de fromages et de charcuteries. «Ça a été notre gros succès au mois de décembre. On a vendu plus de 10 000 boîtes Grazing», émet Mme Therrien.
Grâce à ces nouvelles divisions, Société Traiteur a réussi à récupérer 50% à 60% de son chiffre d’affaires annuel habituel en 2020.
Ajout d’un volet épicier
D’autres restaurateurs ont fait le choix de transformer une partie de leurs locaux en épicerie fine.
C’est le cas du Rose-Marie, un restaurant installé dans une maison ancestrale la rue Fullum. On y vend maintenant des produits locaux et des plats prêts-à-manger au sein même de l’établissement.
L’idée est venue au courant de la deuxième vague de COVID-19, rappelle la copropriétaire du restaurant Le Rose-Marie, Marie-Michèle Fecteau. «Lors de la première vague, on avait fait beaucoup de « take-out », un peu comme tout le monde. Mais ce n’était vraiment pas assez de revenus», émet-elle.
En plus des commandes à emporter, Le Rose-Marie a donc transformé la première pièce de l’endroit en épicerie fine. Ainsi, Marie-Michèle Fecteau indique qu’elle arrive à payer presque la totalité des frais fixes.
Des modèles d’affaires là pour rester?
Pour François Pageau, il est difficile de dire dans quelles proportions ces nouveaux modèles, hybrides ou non, resteront sur le marché. «Pour le moment, ça occupe à peu près 100% de leurs chiffres d’affaires. Lorsque les salles à manger vont rouvrir, il y a un nouvel équilibre qui va se créer», pense-t-il.
Or, du côté des restauratrices, il n’y a pas de doute. «Même après la pandémie, ce sont des services qu’on va continuer», dit Marie-Pier Therrien.
Au Rose-Marie, le modèle hybride est définitivement là pour rester. «Après presque six mois, on sent qu’on maîtrise mieux le nouveau projet et on se demande pourquoi on n’a pas fait ça avant», s’exclame Marie-Michèle Fecteau.
Pour François Pageau, «il y a une prise de conscience que le prêt-à-manger c’est peut-être, sinon plus intéressant que servir des repas».