Évasion

Balade lugubre au «Royaume des morts» de Vienne

Un accès bordé d’un mur en pierres tombales, un sas à la lumière tamisée, enfin une porte battante ouvrant sur la pénombre: bienvenue au musée des pompes funèbres de Vienne, une sortie de choix pour la Toussaint ou Halloween.

Plus ancien établissement dans son genre, il vient de déménager au sous-sol d’une chapelle ardente du cimetière central (Zentralfriedhof), lui-même un témoignage hors du commun de la fascination viennoise pour l’au-delà.

A l’intérieur d’une pièce de 300 m2, l’accueil est assuré par deux mannequins portant les vêtements de croque-morts d’un autre temps.

Le jeu de lumière produit l’effet escompté: les deux personnages, éclairés par des spots de lumière bleue, donnent l’impression de se retrouver dans un film d’épouvante.

Comme une cérémonie funéraire
«L’ambiance qui ressort de ce musée, cette obscurité, c’est un vrai bon choix», s’enthousiasme Benjamin, trentenaire venu de la région suisse des Grisons. «La musique en arrière-plan est aussi bien choisie», poursuit son amie Olivia.

Un banc sonorisé permet d’entendre le Top 10 des cérémonies funéraires, comme par exemple l’Ave Maria de Franz Schubert, interprété par des chanteurs des opéras de Vienne.

Le parcours, «imaginé comme une cérémonie funéraire» selon la directrice Helga Bock, est surélevé d’une quinzaine de centimètres par rapport aux objets. «La lumière bleue, c’est pour le niveau des morts, la lumière jaune sur le parcours est au niveau des vivants», explique-t-elle.

Des clips avec des vidéos ou des diaporamas sont proposés tout au long de la balade lugubre, divisée en cinq étapes: le décès, le deuil, la cérémonie, la mise sous terre et le souvenir.

Certaines des «attractions» offertes sur l’ancien site ne sont plus proposées. Les visiteurs ne pourront ainsi plus s’allonger dans un cercueil, ce que la plupart réclamaient lors de leur passage pendant la Nuit des musées annuelle. Mais le musée, dit Mme Bock, a fini par décider que cette distraction était «tout à fait déplacée».

En revanche, le couteau pour transpercer le coeur (« Herzstichmesser »), et ainsi s’assurer que le mort est bien trépassé, est bel et bien exposé, dans la première vitrine du parcours.

Autre curiosité, un dispositif prévu au XIXe siècle reliant la main d’une personne enterrée à une cloche. Si le système s’activait, c’est que la personne enterrée était vivante.

Le musée, créé en 1967 dans le centre de Vienne, est considéré comme le premier au monde consacré à la mort. Une dizaine ont suivi son exemple, dont le Musée des corbillards à Barcelone.

– ‘Culte de la mort’ –
Intitulée « Die schöne Leich » (le beau cadavre), l’exposition viennoise reprend l’expression populaire locale qui consacre l’importance donnée dans la ville au fait de réussir sa mort.

« Pour la cour impériale, les funérailles étaient des occasions de montrer son pouvoir, rappelle Helga Bock. Le peuple a adopté cette coutume, ce qui explique la particularité de la culture funéraire à Vienne. »

« La mort doit être une Viennoise, comme l’amour est une Parisienne », affirme ainsi Georg Kreisler, dans l’une de ses chansons populaires.

Le Zentralfriedhof illustre également ce culte, avec ses 3 millions d' »habitants », soit deux fois plus que les 1,74 million d’habitants à Vienne, ses 2,5 km2 et ses 300.000 tombes. Un endroit « deux fois plus petit que Zurich mais deux fois plus amusant », assure un dicton local.

Le moyen le plus indiqué pour se rendre au musée, et donc au cimetière, est de prendre la ligne 71 du tramway. D’où une autre expression viennoise: « Prendre le 71 », qui veut dire succomber.

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