Lorsqu’il a pris en charge le CHSLD Herron au printemps 2020, le CIUSSS de l’Ouest-de-l’Île a demandé l’aide des trois médecins traitants de l’établissement. Mais alors que les résidents tombaient comme des mouches, les docteures ont choisi de garder leurs distances.
Devant le manque criant de personnel, Brigitte Auger, à qui le CIUSSS avait confié la responsabilité du CHSLD Herron en avril 2020, a fait part à la propriétaire de l’établissement, Samantha Chowieri, que «les médecins devraient venir» pour prêter main-forte au personnel.
C’est ce qu’a laissé savoir Mme Chowieri lors de son contre-interrogatoire à l’enquête publique visant à élucider les circonstances entourant les 47 décès survenus à Herron.
«Ça m’avait été exprimé qu’elles étaient sur une ordonnance de télétravail à plusieurs reprises», a déclaré la témoin.
C’est plutôt une «recommandation» de rester à la maison et de privilégier la télémédecine qui avait été émise par le Collège des médecins du Québec, a rectifié la coroner qui préside cette enquête publique, Me Géhane Kamel.
Me Kamel a déjà souligné par le passé que, selon elle, les médecins traitants auraient pu «mettre la main à la pâte».
Déjà au courant du chaos?
Lors de son témoignage, la Dre Orly Hermon, qui était responsable d’environ 70 patients au CHSLD privé Herron, a expliqué qu’elle ne voulait pas risquer de tomber au combat, ni d’être un vecteur de transmission. Elle avait convenu avec les deux autres médecins qu’il était mieux de rester en télémédecine.
«Elle ne voulait pas se mettre à risque», a pour sa part témoigné Samantha Chowieri jeudi matin. Même lorsque Mme Chowieri a fait part à la Dre Hermon de la demande du CIUSSS, la médecin de famille a maintenu sa position.
C’est seulement le 11 avril que la décision de se rendre sur place survient, à la suite de la parution d’un article dans The Gazette exposant le manque criant de soins.
À la barre, Dre Lilia Lavallée, une autre médecin de famille au CHSLD Herron, a expliqué qu’elle n’était pas au courant de l’ampleur de la situation auparavant.
Pourtant, selon le témoignage de Samantha Chowieri, celle-ci avait déjà décrit aux médecins le chaos qui régnait entre les murs du CHSLD Herron à ce moment. «Les docteures étaient au courant, elles n’en revenaient pas», a déclaré Mme Chowieri jeudi.
Une mauvaise gestion du CIUSSS, selon Herron
Si elle était d’abord soulagée de voir le CIUSSS arriver en renfort à Herron le 29 mars 2020, Samantha Chowieri a vite déchanté lorsqu’elle a appris que sa résidence allait être mise sous tutelle le lendemain.
Durant son contre-interrogatoire, la propriétaire du CHSLD a reproché une mauvaise prise en charge de son établissement par le CIUSSS. «Le gouvernement devrait mettre des règles claires quand il met une tutelle sur un centre, surtout un centre de soins», a-t-elle signifié.
Selon Samantha Chowieri, il n’y avait pas de «structure conforme afin de prendre soin des résidents» ni de «ligne directrice». «C’était un peu comme si ce n’était pas pris au sérieux. Ils ne réalisaient pas les effets que ça allait avoir sur les résidents», a-t-elle ajouté.
La veille, l’ex-directeur de Herron, Andrei Stanica, a indiqué que le CIUSSS n’avait pas de «vision» et qu’il aurait fallu l’intervention de gestionnaires provenant de CHSLD publics. «Ceux qui ont fait la tutelle ne savaient pas comment un CHSLD fonctionne», a-t-il ajouté.
Dans les derniers jours, des témoins ont souligné que la tension était palpable entre le CIUSSS et les employés de Herron.
En avril, la direction de la résidence privée a reçu deux mises en demeure du CIUSSS exigeant qu’elle cesse de retenir certaines informations, notamment les coordonnées, l’horaire et la liste des employés.
Considérant qu’il y a trop de questions sans réponse dans ce dossier, la coroner Kamel a ajouté trois jours d’audience à cette enquête publique pour rappeler des témoins à la barre.