La Lachinoise Sandra Gagné vient de publier son premier livre, Fracas, après y avoir consacré près de 20 ans. L’histoire entourant la publication de ce livre et celle à l’intérieur de celui-ci sont essentiellement les mêmes : un parcours de résilience.
Dans sa vie, comme dans Fracas, Sandra vit une dualité entre «l’espoir et le désespoir». C’est l’écriture qui lui tend la main. «Ça m’a permis de m’inventer des histoires d’une vie qui me fait rêver, mais qui ne m’est pas accessible».
L’élément déclencheur
On est en 2004, et la vie de l’autrice s’apprête à basculer.
Sandra dépose un pied sur l’asphalte, puis un autre. Elle se hisse hors du taxi arrêté au coin de Saint-Denis et Mont-Royal, puis se met à traverser l’intersection animée. Il est trop tard quand elle s’aperçoit de son erreur : des voitures filent vers elle dans les deux sens. Elle est incapable de courir. « J’ai fermé mes yeux et je me suis fait frapper ».
L’accidentée passe les deux prochaines années dans un centre de réadaptation, par intermittence. L’écriture a toujours fait partie de sa vie, mais c’est à cette époque que sa pratique littéraire devient une échappatoire pour ses douleurs.
«Chaque soir, j’allais à la cafétéria et j’écrivais. Ça me sortait du mal que j’avais» confie-t-elle.
Une réécriture sans fin
En six mois, Sandra a déjà rédigé le premier jet de Fracas, une autofiction «80% vraie, 20% inventée». Mais après son séjour dans le centre de réadaptation, physiquement épuisée, elle n’a plus l’énergie pour publier son récit. Elle met ce projet sur pause pendant quelques années, le laissant mûrir dans sa tête.
«Il a tout le temps été présent à l’intérieur de moi, ce livre-là. J’y pensais tout le temps, même quand il était sur les tablettes et que je ne travaillais pas dessus» dit-elle.
Dix ans après l’accident, Sandra se remet activement sur Fracas. Elle est dans sa trentaine, et de retour au cégep. L’autrice se jumèle avec une collègue de classe pour l’aider dans son projet.
Cette fois-ci, Sandra tente sa chance auprès des maisons d’édition, mais c’est en vain. Celles-ci refusent son œuvre, puisqu’elle n’est pas encore «aboutie».
«J’ai retravaillé [Fracas], plusieurs fois, c’était l’enfer», déplore-t-elle.
Cinq ans plus tard, elle nourrit ses passions littéraires en suivant des ateliers de poésie à l’Université de Montréal. La Lachinoise demande à la responsable des ateliers de l’aider dans sa réécriture. Elle accepte.
Cette collaboration propulse l’autofiction de Sandra; le regard extérieur sur son récit permet de le rendre «présentable» auprès des maisons d’édition, qui deviennent alors intéressées par son histoire. Peu après, elle signe un contrat.
La dualité entre l’espoir et le désespoir
Le destin du livre de Sandra Gagné semblait assuré; sa publication était prévue en décembre 2022. Cependant, elle a rencontré le même défi auquel le monde entier s’est heurté dans les deux dernières années : une pandémie. En janvier 2022, la maison d’édition de l’autrice l’informe qu’elle ne pourra plus honorer son contrat, en raison de problèmes attribuables à la COVID-19.
À ce moment-là, presque 20 ans se sont écoulés depuis le premier jet de Fracas. Elle est découragée, mais déterminée. «Je crois au destin, que tout ce qui s’est ajouté à mon parcours pour faire de moi la personne que je suis aujourd’hui». En avril 2022, elle s’autopublie. Son premier livre voit enfin la lumière du jour, à la Librairie Les Passages.
Selon elle, «malgré tous les obstacles, il y a une lumière au bout du tunnel.»
Fracas est une autofiction qui porte sur le cheminement de Sandra à la suite de l’accident qui la laisse «brisée, gravement blessée et pratiquement paralysée». Au fil des obstacles qu’elle rencontre durant son rétablissement, elle se bat pour atteindre son rêve d’être musicienne.