Avec le retrait de la candidate de Québec solidaire (QS) dans Camille-Laurin, certains électeurs envisageant de voter pour Marie-Eve Rancourt pourraient concéder leur voix au chef du Parti québécois (PQ). En revanche, cela ne sera peut-être pas suffisant pour lui donner la victoire, croient les experts consultés par Métro.
L’analyste politique et créateur de la plateforme Qc125, Philippe J. Fournier, estime que près de la moitié de l’électorat solidaire dans Camille-Laurin pourrait tout simplement annuler son vote le 3 octobre. Cette estimation inclut les votes solidaires qui ont été effectués par anticipation les 25 et 26 septembre et qui seront «rejetés».
«C’est sûr que c’est plus facile d’être seul contre la CAQ que d’avoir QS dans les pattes, mais je ne serai pas prêt à dire que [Paul St-Pierre Plamondon] est favori encore», explique l’analyste.
N’empêche, selon la plus récente mise à jour de la projection de Qc125 sur le vote dans cette circonscription, l’écart entre le candidat de la Coalition avenir Québec (CAQ), le député sortant Richard Campeau, et le chef du PQ, Paul St-Pierre Plamondon, s’est rétréci. Si l’écart était de 12 points la semaine dernière, il est maintenant passé à 5 points de pourcentage, se situant ainsi dans la marge d’erreur de + ou – 8%.
Projection du vote dans Camille-Laurin (26 septembre 2022):
- CAQ : 42%
- PQ : 37%
- PLQ : 9%
- PCQ : 7%
Pour faire cette projection, Philippe J. Fournier a tenu compte du deuxième choix des électeurs, «tel que publié par le sondage Léger» du 25 septembre. Selon ce sondage, 44% des électeurs de QS ont le PQ comme deuxième choix.
Lutte fratricide entre le PQ et QS
Si l’on observe parfois une certaine acrimonie entre les militants du PQ et ceux de QS, cela ne signifie pas pour autant que celle-ci se reflète dans l’électorat, précise de son côté le chroniqueur politique Nic Payne.
«Il est certain que tous ceux qui envisageaient de voter pour Québec solidaire n’iront pas voter pour Paul St-Pierre Plamondon, en particulier les militants les plus enflammés qui, on le sait, sont souvent particulièrement opposés au PQ pour toutes sortes de raisons», explique le chroniqueur.
En revanche, il y a sans doute une part d’électeurs, plus sensible aux idées progressistes les plus consensuelles de QS, et souverainiste, qui pourrait effectivement passer au PQ dans ce comté.
Nic Payne, chroniqueur politique
Si le chargé de cours au Département de science politique de l’UQAM André Lamoureux croit, à l’instar de Nic Payne, que certains partisans de QS dans cette circonscription voteront pour le PQ, il pense que d’autres préféreront voter pour la candidate libérale.
«Il y a beaucoup plus d’affinités entre le Parti libéral et Québec solidaire qu’entre QS et le PQ. Sur le multiculturalisme, sur la thèse du racisme systémique, l’opposition à la loi 21, la question de l’immigration massive, ils sont très près.»
André Lamoureux considère également que QS n’a jamais été en faveur de l’indépendance du Québec. Le refus de Gabriel Nadeau-Dubois d’inviter les électeurs de Camille-Laurin à voter pour le PQ appuie cette thèse selon lui.
«On ne donnera pas de directives de votes aux électeurs de Camille-Laurin. Je fais confiance aux électeurs. Je les laisse faire leur choix le 3 octobre. Nos objectifs sont les mêmes qu’au premier jour de la campagne électorale. On est en campagne pour faire des gains.»
– Gabriel Nadeau-Dubois, co-porte-parole de QS
Un impact sur la campagne en général?
Pour Philippe J. Fournier, l’histoire de Marie-Eve Rancourt est vraiment locale et il serait étonné qu’elle ait un impact sur les résultats électoraux de Québec solidaire en général.
«[Marie-Eve Rancourt] a pris la décision qui permet de faire de cette affaire une histoire très courte. Si elle était restée, on en aurait probablement parlé toute la semaine.»
Même son de cloche du côté de Nic Payne, qui ne pense pas que «l’électeur lambda» a été si étonné et scandalisé par cette histoire, «d’autant plus que le parti a agi assez promptement et de façon assez draconienne».
«Il y a toujours des dommages, mais ce ne sera pas majeur», ajoute le chroniqueur.
Contrairement à M. Fournier et M. Payne, André Lamoureux croit quant à lui que cette histoire sera «assez néfaste» pour les résultats de QS le 3 octobre, minant la confiance des électeurs envers ce parti.
«Il va y avoir une descente du vote en faveur de QS, affirme-t-il. Il est possible que le parti subisse même un ressac en nombre de députés.»
André Lamoureux ajoute que cela vient affaiblir QS dans les batailles qu’il mène dans les circonscriptions de Verdun, Saint-Henri–Sainte-Anne ou encore Maurice-Richard.