Christine Giroux, une Lachinoise de 41 ans, a été victime d’actes de violence conjugale pendant plus de 20 ans. Mme Giroux a décidé d’exorciser son histoire par l’écriture. Dans son livre Ma Voix Retrouvée, elle raconte son parcours difficile, mais également comment elle a réussi à s’en sortir. La Lachinoise souhaite que son message soit entendu afin que d’autres femmes prises dans le cercle de la violence puissent, elles aussi, s’en sortir. Elle organisera des événements caritatifs, dont une marche afin de financer le Parados, un organisme vient en aide aux femmes et aux familles victimes de violence conjugale. La marche aura lieu le 24 octobre au parc LaSalle.
Son agresseur et ex-mari est en prison depuis le mois de mars dernier et se présentera devant la cour pour la 10e fois pour entendre sa nouvelle sentence ou obtenir sa libération. Mme Giroux lui fera face une fois de plus en tant que témoin.
Comment a commencé votre relation avec cet homme?
Je me suis mariée avec lui quand j’avais 17 ans, seulement quelques mois après l’avoir rencontré. Il est arrivé au Canada pour venir étudier. Je ne le connaissais pas, mais c’était une échappatoire pour partir de chez ma mère. Je ne savais pas qu’il était dans un gang de rue. Très vite, la manipulation a commencé.
À quel moment est-ce que la violence a débuté?
Le jour du mariage. Le soir même, un invité est arrivé avec une personne qui n’était pas sur la liste et cette situation l’a fâché. Ayant consommé de l’alcool, il a décidé de se venger sur moi.
Comment décririez-vous les actes de violence que vous avez subis durant ces 22 années?
C’est toujours des coups au corps et au visage. Il m’a lancé un verre qui m’a fendu le crâne. Il m’a décroché la mâchoire et brisé le nez. Ce sont toujours des agressions physiques. Les actes se répétaient plusieurs fois par semaine durant toutes ces années. En 2017, il m’a agressée sexuellement et séquestrée.
Comment décririez-vous le cycle de manipulation dont vous avez été victime?
C’était comme dans les films. Il venait toujours s’excuser après les actes avec des larmes et des bouquets de fleurs. Il me promettait d’aller en désintoxication et qu’il allait changer. Je continuais de lui donner sa chance jusqu’à ce que la limite soit atteinte. Je restais avec lui parce que je voulais que mes enfants puissent avoir un père, ce que je n’ai pas eu.
À quel moment avez-vous décidé de mettre fin à cette relation?
Il y a eu plusieurs moments déclencheurs. Mais l’un des plus frappants est quand il a tenté de forcer mon fils à prendre de la cocaïne, en 2017. Il mettait des lignes sur la table et lui prenait la tête pour qu’il consomme. Il n’a pas réussi, mais ç’a été la goutte de trop. Ce jour-là, on a pris nos sacs et on est parti.
Quelles séquelles gardez-vous de votre expérience?
Je souffre de dépression majeure et de choc post-traumatique. J’ai un chien d’assistance qui m’accompagne partout où je vais. Je fais des crises de panique régulièrement. Je ne peux pas être trop près des gens ou loin des portes de sortie. J’ai fait également trois tentatives de suicide. Mais, aujourd’hui, je me sens prête à l’affronter. Avant, je me sentais comme une victime, mais plus aujourd’hui. Je prends des cours d’autodéfense.
Je me suis ouvert les yeux après des années de manipulation. Aujourd’hui, je souhaite aider le plus de femmes à s’en sortir.
Christine Giroux
Vous avez perdu un enfant durant une grossesse. Vous avez deux autres enfants avec cet homme. Comment est-ce que cette situation les affecte?
Je n’ai pas de relation avec le plus jeune de 20 ans parce que, pour lui, son père est malade et il a besoin de soins. On est donc en désaccord et on ne se parle plus à cause de ça. Ma relation est meilleure avec le plus vieux, qui a 23 ans. Il reste tout de même neutre sur le sujet et ne préfère pas prendre de côté.
Vous allez témoigner en cour sur la libération potentielle de votre agresseur, le 8 octobre. Que souhaitez-vous accomplir à cette étape-ci?
Ça va être très difficile, mais j’espère que ça va me soulager. Ça fait quatre ans que je ne sors pas de chez moi. Je ne partage pas mon histoire aujourd’hui pour avoir la pitié, mais pour obtenir un sentiment de protection. Je sais que lorsqu’il va sortir de prison, il va vouloir revenir vers moi comme chaque fois.
Je le fais également pour tous les féminicides et pour toutes les femmes qui souffrent comme j’ai souffert. Mon testament est prêt depuis longtemps. Il est affiché sur mon réfrigérateur. Si j’ai été capable de m’en sortir, d’autres femmes le sont aussi.