Montréal-Nord

«Dyaspora Lakay»: un point de vue «inconfortable»

Dans son scénario illustré paru récemment, l’ingénieure et Nord-Montréalaise engagée Carmel-Antoine Bessard expose le «bon, le mauvais et le brutal» sur le pays de ses parents ainsi que sa profession.

«Je dois tout assumer ce que j’ai mis dans le livre, mais la réalité c’est ça», campe Mme Bessard.

Le tome 1 de Dyaspora Lakay, Dans l’oeil de l’ouragan (Mayimelle Inc) raconte l’histoire de Mme 100T, une ingénieure née à Montréal de parents haïtiens, qui part travailler dans un dépotoir en Haïti, peu après le séisme de 2010.

Là-bas, elle mène une quête identitaire, tout en constatant une discrimination de genre, de race, une reprise d’attitudes coloniales, une corruption et une crise environnementale.

Cette «étude de cas romancée» s’inspire librement d’un séjour de 11 mois de l’auteure. Celle-ci prenait des notes chaque semaine, «pour ventiler» et a décidé d’en faire un récit, à l’aide de personnages qui amalgament des attitudes observées sur place.

«Je brise le fantasme d’Haïti qu’on nous a inculqué, nous, jeunes nés ou ayant vécu ici justifie Mme Bessard. Pas pour qu’on reste loin d’Haïti, au contraire.»

«Je crois qu’il faut dire les vraies choses comme ça on sait comment mieux faire. Je suis moi-même partie avec un fantasme en tête et l’histoire commence avec.»

Besoin de diversité
Rare femme sur les chantiers où elle a travaillé, Mme Bessard plaide pour une plus grande diversité dans les sciences et technologies.

La diplômée de l’École nationale d’administration publique (ÉNAP) et de McGill mène des conférences sur le sujet depuis plusieurs années, notamment auprès de son alma mater.

«Si tu mets une femme contremaitresse, la première chose dont elle va se rendre compte sur un chantier, c’est « hey, où sont tes lumières ». Parce que comme femme, si elle marche dans la rue et qu’il n’y a pas de lampadaire, elle devient mal à l’aise. Tandis qu’un gars risque peut-être quelque chose aussi, mais n’a pas la même perception, le même historique social.»

Impénitente
L’auteure croit fermement que son ouvrage écrit en français, en anglais et en créole haïtien avec lexique et notes de bas de page intéressera les lecteurs de toutes origines.

Autrement, «ça manquerait un peu de piquant, de saveur», répond-elle en créole.

Elle ne s’excuse pas non plus pour des personnages comme Chèfyoun, un chef de mission canadien venu en Haïti avec une attitude de «Christohe-Colomb».

«Ce livre-là n’est pas confortable, dans le sens qu’il contient des choses dures, des tabous. On parle de racisme systémique de façon théorique. Moi, j’embarque dans la pratique. C’est comme ça qu’on le vit: ces microagressions constantes.»

Au départ, l’ouvrage devait sortir en bande dessinée. Toutefois, son auteure a changé d’idée. Elle présente plutôt une sorte de scénario agrémenté d’illustrations de l’artiste nord-montréalais Alain Frigon et du peintre et écrivain d’origine haïtienne Guerdy Jacques Préval.

Neuf exemplaires sont disponibles dans le réseau des bibliothèques de Montréal. D’autres au bureau de la firme Geninov et bientôt, espère Mme Bessard, à la coop de l’École de technologie supérieure (ÉTS). L’auteure en distribue aussi.


À 9000 sur 63 000, les femmes représentent 14% des membres de l’Ordre des ingénieurs du Québec.

Selon l’ordre, leur présence devrait croître au cours des prochaines années, alors qu’elles n’étaient que 5375 en 2005, mais composaient 19,7% des nouveaux membres en 2016-2017.

En ce qui concerne la diversité culturelle, les seuls chiffres dont dispose l’OIQ concernent la proportion d’ingénieurs formés à l’étranger (12%, en 2016-2017). Ce chiffre est appelé à augmenter, selon l’Ordre.

La diversité culturelle est aussi bien représentée au sein des comités régionaux de l’Ordre, et mise en valeur dans des portraits dans la revue «PLAN», ajoute l’institution.

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