À 91 ans, Irene Lambert continue toujours de faire valoir les droits des personnes ayant une déficience visuelle au Canada. Cette résidente de l’Ouest-de-l’Île a récemment reçu le Chris Stark Advocacy Award 2021, qui salue chaque année l’implication de Canadiens pour la défense des droits des personnes en situation de handicap.
«J’étais très surprise [de recevoir ce prix], j’imagine qu’ils ont aimé l’idée que je continue la défense des droits après toutes ces années », se réjouit Irene Lambert.
Nous sommes dans les années 1970, Irene Lambert vient tout juste de revenir des États-Unis avec son second mari et ses trois enfants, pays dans lequel elle s’impliquait déjà pour l’accessibilité pour les personnes en situation de handicap.
Alors qu’elle souhaite profiter des activités montréalaises, en compagnie de son second mari, professeur au campus Loyola, elle se heurte à des problèmes en raison de sa cécité et de celle de son compagnon.
«Nous avions beaucoup de problème avec les restaurants, les taxis et les lieux publics qui n’acceptaient pas les chiens guides d’aveugle […] on avait été habitué à être indépendants, aux États-Unis, on pouvait aller partout.»
À l’époque, aucune réglementation n’existe dans la province pour garantir l’accès aux espaces publics aux personnes en situation de handicap. C’est ainsi qu’elle intègre une commission pour inciter le gouvernement québécois à changer sa législation. En 1978, une nouvelle loi est adoptée, qui garantit des droits aux personnes handicapées tels que l’éducation, la santé, les logements et les espaces publics.
«C’est à partir de ce moment que le gouvernement québécois a commencé à donner de l’argent pour l’accès à l’école publique pour les personnes aveugles. Avant, elles ne pouvaient aller que dans des écoles privées.»
Au courant de cette décennie, alors que le Québec connaît de vifs changements politiques, le couple continue de s’impliquer pour le droit des personnes en déficience visuelle. Le mari d’Irene Lambert crée un nouveau programme universitaire après la création de l’Université Concordia pour sensibiliser les étudiants aux problèmes vécus par les personnes aveugles.
Pour la communauté
Par la suite, Irene Lambert et son mari déménagent à Montréal-Ouest. Elle découvre que le journal local, The Informer, n’était à cette époque pas accessible pour les aveugles. Elle met alors en place des enregistrements audio des articles sur cassettes, qu’elle envoie aux personnes en déficience visuelle.
En compagnie de son mari, elle accompagne la mise en place de plusieurs initiatives pour favoriser l’accessibilité pour les personnes handicapées dans la ville.
À la fin des années 1980, la Low Vision Self Help Association est créée pour les personnes ayant une déficience visuelle, dont la majorité des membres sont des habitants de Montréal-Ouest. Irene Lambert rejoint l’association, dans laquelle elle est aujourd’hui toujours présente en temps que directrice.
Après la mort de son mari en 1990, elle déménage dans l’ouest de l’île. De 1993 à 2009, elle préside le comité des usagers pour le Centre de réadaptation MAB-Mackay, parallèlement à son implication au conseil d’administration de Montréal pour les Aveugles.
En 2000, elle rejoint l’Alliance for Equality of Blind Canadians (l’Alliance pour l’égalité des Canadiens aveugles), ce qui lui valu en 2010 le CCD Award, qui saluait son implication.
Localement, elle se fait porteuse de voix pour plusieurs causes, notamment pour améliorer certains aspects de la circulation dans la ville. Cela a amené la législation interdisant le virage à droite pendant les feux rouges à Montréal.
Aujourd’hui, elle continue à défendre les droits des personnes en situation de handicap. Si de nombreuses améliorations ont vu le jour au fil des décennies, grâce à des réglementations et à de nouvelles technologies, des défis subsistent, notamment en ce qui concerne les logements abordables et accessibles, la circulation urbaine et les espaces publics.
Elle se réjouit que de nouveaux groupes continuent de défendre les droits des personnes en situation de handicap.
«Quand on travaille dans la défense des droits, on ne gagne pas à chaque fois, même si parfois c’est le cas. Cela prend du temps, les personnes qui y travaillent doivent avoir beaucoup de patience […] c’est un petit peu à chaque fois», conclut-elle avec philosophie.