Malgré la vive opposition d’un groupe de défense des piétons, le maire de Montréal-Est persiste et signe : la métropole doit permettre le virage à droite au feu rouge. Il compte défendre cette position avec d’autres maires de villes liées durant la consultation publique sur la sécurité routière lancée lundi par la Société d’assurance automobile du Québec (SAAQ).
Selon Robert Coutu, l’Association des municipalités de banlieues (AMB), dont les maires avaient fait une sortie publique en décembre, déposera un mémoire auprès de la SAAQ pour présenter ses arguments en faveur du virage à droite au feu rouge sur l’île de Montréal.
«C’est officiel qu’on va déposer un mémoire, en tenant compte des récentes réactions de Piétons Québec ou autres. Nous n’avons pas fait nos devoirs à moitié. Nous étions vraiment prêts à sortir en décembre dernier à la demande de nos citoyens», déclare le maire Coutu.
Interdire partout
L’organisme Piétons Québec, qui revendique l’interdiction de la manœuvre partout au Québec, compte aussi se prononcer auprès de la SAAQ, indique son coporte-parole Félix Gravel.
«On va demander beaucoup de choses, dont l’interdiction du virage à droite au feu rouge dans tout le Québec, sauf dans certains cas, comme en contexte autoroutier », précise M. Gravel. «S’il doit y avoir une mesure mur à mur à l’échelle du Québec, on préférerait que ça soit celle-là et que le virage à droite soit seulement permis lorsque c’est démontré qu’il n’y a vraiment pas de piétons parce qu’on n’est pas en centre-ville ni en milieu de vie ou de travail.»
Pour l’organisme, la permission de tourner à droite à un feu rouge va à l’encontre du devoir qu’ont les élus d’assurer un environnement sécuritaire aux piétons.
«Avec notre bilan routier, les élus devraient œuvrer à la sécurisation des déplacements à pied, plutôt que de chercher à accroître le danger pour les usagers les plus vulnérables» lançait M. Gravel dans un communiqué, juste après la sortie des maires de banlieues en décembre dernier.
Plusieurs arguments favorables, réitère Coutu
L’AMB demeure ouverte à ce que la manœuvre reste interdite au centre-ville et dans près de 40% des intersections de l’île de Montréal dotées de feux de circulation. Elle estime que les usagers de la route au Québec, comme ceux d’ailleurs, se sont adaptés à la manœuvre. Elle s’appuie aussi sur un sondage qu’elle a commandé et des analyses du ministère des Transports du Québec pour clamer que 73% des résidents de l’île appuient le virage et que les accidents qui y sont liés représentent moins de 1% de tous les accidents routiers, comme cela est le cas ailleurs en Amérique du Nord.
«Et le fait qu’on ne puisse pas tourner à droite à Montréal a aussi engendré des accidents, parce que les gens qui ont ce comportement-là naturellement arrivent sur l’île et oublient que ça y est interdit», ajoute le maire Coutu, en évoquant l’essence consommée par un véhicule immobilisé à une intersection.
Beaucoup de problèmes, selon la santé publique
La Direction de la santé publique de Montréal ignore encore si elle sera appelée à se prononcer durant la consultation publique de la SAAQ. Toutefois, son médecin spécialiste en sécurité routière relève toujours beaucoup de problèmes de sécurité pour peu de bénéfices.
«Le virage à droite au feu rouge est associé à des accidents et des blessures qui touchent principalement les piétons et les cyclistes, c’est connu partout dans le monde où c’est implanté», souligne le médecin-conseil Patrick Morency, qui en 2002, élaborait un mémoire sur le sujet pour une commission spéciale d’étude de la Ville de Montréal.
Selon les chiffres du ministère des Transports du Québec, le virage à droite au feu rouge était associé à 6 décès, 34 blessés graves et 864 blessés légers en date de 2013. Déjà à l’époque de l’implantation, «la santé publique avait prévu qu’il y aurait environ 70 blessés par année au Québec associés au virage à droite au feu rouge», dit le Dr Morency.
«C’est une manœuvre plus complexe qu’il n’y parait : la voiture doit s’insérer dans la circulation, son conducteur doit regarder à gauche pour ce faire, mais aussi à droite pour s’assurer qu’il n’y a pas de cyclistes ni de piétons dans leur droit de traverser», fait-il remarquer.
En 2004, peu après l’implantation du virage à droite au feu rouge, un comité de suivi du ministère des Transports a constaté que certains comportements des conducteurs s’étaient améliorés, d’autres moins. Et lors de projets pilotes en 2001-2002, des enregistrements vidéo de conducteurs effectuant la manœuvre ont révélé que moins de 30% l’effectuaient conformément au Code de la route.
«Malheureusement, ce n’est pas une manœuvre pour laquelle l’éducation, la sensibilisation ou l’habitude peuvent compenser les problèmes de sécurités qui y sont associés.» – Dr Patrick Morency
Les opposants ont trouvé un allié en la personne du maire de Montréal. «[Le virage à droite au feu rouge] n’est pas pertinent à ce moment-ci», avait affirmé Denis Coderre, au cours d’une mêlée de presse, quelques heures après la sortie de la coalition d’élus montréalais. «Vous savez que nous sommes en train de nous donner une « Vision zéro » (en matière d’accident)», avait-il ajouté.