Des entrepreneurs réprimandés par le Bureau de l’inspecteur général (BIG) nient avoir usé de «manœuvres frauduleuses» pour permettre à une entreprise et son propriétaire de continuer d’exécuter des contrats de remorquage pour la Ville de Montréal, malgré leur exclusion d’il y a six mois.
Yvan Dubé, président et actionnaire majoritaire d’Excavation Anjou et Jean-Marc Lelièvre, président de Remorquage TAZ inc., assurent avoir agi avec l’assentiment du Service de l’approvisionnement de la Ville de Montréal.
«Je ne sais pas sur quoi le BIG se base», a déclaré M. Dubé au lendemain de la décision du BIG de l’exclure de tout processus d’appel d’offres de la Ville pour une période de cinq ans.
«Si j’avais voulu faire quelque chose de croche, j’aurais pas fait ça comme ça. J’étais loyal dans mes affaires et vraiment honnête.» – Yvan Dubé
Prête-nom
Le BIG accuse Excavation Anjou de servir de prête-nom au patron de Remorquage TAZ inc, mis sur liste noire en septembre dernier pour «stratagèmes de nature collusoire à l’égard de plusieurs appels d’offres».
Le Bureau reproche aujourd’hui à MM. Dubé et Lelièvre le fait qu’Excavation Anjou a soumissionné en produisant une promesse d’achat de 18 remorqueuses aux mains de Remorquage TAZ. Il les blâme aussi parce que M. Lelièvre travaille pour Excavation Anjou lors de l’exécution des contrats de remorquage en déneigement.
«Quand j’ai tout transféré à la Ville, on m’a dit: « oui, oui, c’est parfait, vas-y comme ça avec des promesses d’achat, y’a pas de trouble, on accepte ça et après, quand t’auras les contrats, pas de trouble, t’achètes tes véhicules, tu nous envoies leurs enregistrements »», rétorque M. Dubé.
«Oui, M. Lelièvre était avec moi pour une saison, pour faire la transition parce que moi, le remorquage, au moment où ça s’est donné, j’en avais trop sur les épaules, ajoute l’entrepreneur. Il était sur ma liste de paie. Je contractais pas avec lui. Il était mon employé.»
La Ville de Montréal n’a pas répondu à une demande de commentaires de TC Media.
Exclus
En tout, le BIG a ordonné la résiliation de tous les contrats municipaux de trois entreprises, soit Excavation Anjou inc., 9499237 Canada inc. et Remorquage BL.
Il a aussi recommandé au conseil municipal que ces entreprises, ainsi que leurs dirigeants, soient écartés de tout appel d’offres ou contrat municipal pendant cinq ans. Il a aussi recommandé à la Ville de Montréal d’évaluer les recours et sanctions possibles contre les entrepreneurs et entreprises mis au ban en septembre 2016.
Selon les investigations du BIG, 9499237 Canada inc. servait de prête nom à Steve Lenfesty, ainsi que son entreprise Remorquage Mobile. L’entreprise à numéro louait même les remorqueuses de Remorquage Mobile et masquait la sous-traitance par de faux renseignements et des signatures falsifiées, selon l’inspecteur général.
Pour sa part, Remorquage BL serait une entreprise créée et dirigée par Réal Tourigny, qui n’exerçait aucune activité économique à l’origine, mais que la conjointe de M. Tourigny a ensuite acquise gratuitement, «en prenant soin de retirer Réal Tourigny de la liste des dirigeants et actionnaires, pour ainsi procéder à l’achat des remorqueuses» d’Auto Cam 2000, laquelle aurait entièrement financé Remorquage BL pour exercer les contrats de remorquage obtenus de la Ville.
Démenti
À la suite de son exclusion en septembre dernier, le propriétaire de Remorquage Taz inc. avait rejeté les allégations de collusion. Jean-Marc Lelièvre assurait avoir appelé ses concurrents «banalement», sans intimidation, uniquement pour connaître leurs intentions et non les bloquer.
Une professeure et spécialiste en gestion municipale avait toutefois fait valoir que le nombre limité de fournisseurs de services liés au déneigement à Montréal favorise les contacts entre concurrents, une pratique banalisée.