Saint-Léonard

Agent de milieu pour la salubrité: un pilier du Domaine Renaissance

Des aînés en difficulté, des mères laissées à elles-mêmes, des résidents méfiants : c’est ce qui ponctue le quotidien de l’unique agent de milieu du Domaine Renaissance. Embauché à temps plein en mars 2017, Lotfi Khiari agit à titre d’intermédiaire entre les locataires, souvent vulnérables, et les divers intervenants, dont les autorités publiques, le milieu de la santé, les organismes communautaires et le propriétaire des immeubles. Le Progrès est allé à sa rencontre.

C’est une journée éprouvante pour l’un des doyens du Domaine Renaissance; il doit vider ses armoires, ranger sa vaisselle, déplacer les électroménagers. Si Mauduit Sterlin, 90 ans, doit en faire autant, c’est que les exterminateurs viennent faire un tour. Ce n’est pas la première fois. Des coquerelles ont été découvertes dans sa cuisine. Pourtant, comme il le souligne, il entretient méticuleusement son logement, rien ne traîne.

Heureusement, il n’est pas seul. Lotfi Khiari est venu lui prêter main-forte.

« Il a une fierté, dit l’agent de milieu au sujet de M. Sterlin. Mais quand il a besoin d’aide, il sait qu’il peut m’appeler.»

Lotfi Khiari remue ciel et terre quotidiennement pour permettre aux résidents comme Mauduit Sterlin de maintenir une qualité de vie respectable malgré des conditions trop souvent difficiles.

Ce qui demeure au cœur de son rôle, c’est le rapport qu’il développe et entretient avec ceux qui habitent le Domaine Renaissance. C’est « avoir de l’empathie, comprendre leur situation, notamment les nouveaux arrivants. C’est un parcours que j’ai connu », relate-t-il, étant arrivé d’Algérie au Québec au début des années 2000.

Un long processus

Lotfi Khiari a fait sa première entrée au Domaine Renaissance en 2010. Il avait eu comme mandat de faire du porte-à-porte pour sonder les résidents sur les problématiques qui les touchaient.

Cette même année, une enquête de la Santé publique de Montréal (DSP) révèle que des résidents du Domaine Renaissance tombent malade en raison de la présence de vermine. La nouvelle fait la manchette de plusieurs médias. Moisissures, souris, coquerelles, punaises de lit; le complexe comptant alors quelque 330 logements devient en quelque sorte un emblème du problème des taudis à Montréal.

En 2011, le Groupe Mach achète le complexe, ayant comme objectif de bâtir un nouveau complexe immobilier. En 2013, un comité est formé pour faire le suivi et améliorer la salubrité. On propose notamment d’embaucher un agent de milieu.

C’est ce poste qu’occupe aujourd’hui Lotfi Khiari, revenu au Domaine Renaissance après avoir travaillé au sein d’organismes communautaires situés ailleurs à Montréal.

L’agent de milieu se veut rassurant: la qualité de vie des locataires a changé pour le mieux ces dernières années. Cependant, selon lui, la vétusté des bâtiments, construits en 1971, ainsi que le manque de collaboration de certains résidents font en sorte qu’il est ardu de mettre fin complètement aux problèmes de salubrité.

Un quotidien éprouvant

Chaque lundi, le processus se met en marche. Un technicien en extermination compile une liste des logements qui nécessitent une intervention, incluant de nouveaux cas et des vérifications régulières. Durant certaines périodes, jusqu’à 14 logis peuvent se retrouver sur la liste. Actuellement, la moyenne est en baisse; on y compte 7, voire 8 logements.

Un traitement peut monopoliser une pièce ou un logis pendant trois heures. Pour une femme enceinte, cette période est minimalement doublée. Dans le cas d’une personne âgée, les produits seront adaptés pour éviter qu’ils soient trop nocifs. Les résidents sont alors invités à passer le temps dans un local situé au sous-sol.

Pour un seul cas, le technicien peut réaliser entre deux et quatre visites, dépendamment de la gravité de la situation.

Il arrive qu’un locataire puisse avoir vécu une mésentente avec le technicien ou dû subir des traitements répétitifs, étant forcé à vider son appartement chaque fois. Ce fut notamment le cas de M. Sterlin, dont plusieurs visites ont été nécessaires pour qu’il se débarrasse de ses punaises de lit.

Lotfi Khiari veille à ce que les résidents dont les logements sont visés par des opérations comprennent bien le processus d’extermination. Si la procédure n’est pas respectée, les traitements peuvent s’avérer inefficaces. Ils seront donc à recommencer.

Inutile de dire qu’humilité et sang-froid sont nécessaires pour bâtir une relation de confiance avec les résidents. « Un employé qui vient faire son travail, il ne s’occupe pas de ce côté-là, mais on doit les sensibiliser », indique l’agent de milieu.

Régulièrement, un employé du Groupe Mach fait le tour des logements pour une inspection, qui peut être refusée par le résident. Lotfi Khiari peut donc entrer en contact avec celui-ci pour qu’il change son fusil d’épaule.

« Je dois apprécier son travail. Il est parfait, il est toujours présent. »

Mauduit Sterlin, résident au Domaine Renaissance

Une confiance importante et déterminante

Aux trois mois, l’ancien journaliste doit rédiger un rapport de ses observations au comité d’action salubrité. Les démarches de Lotfi Khiari ont notamment permis de développer un plan d’action. Il a entre autres facilité l’accès à des laveuses et sécheuses et débloqué des crédits pour les résidents.

« C’est comment, pour vous, de travailler dans l’ombre ? », l’a-t-on questionné.

Songeur, il en prend conscience. « Travailler dans l’ombre, je prends bien ce qualificatif-là. C’est un plaisir lorsqu’une situation se règle et surtout lorsque vous avez des gens qui vous remercient. Et ça, ça n’a pas de prix. »

Incontestablement, Lotfi Khiari est un témoin privilégié de la réalité des résidents du Domaine Renaissance. « Il apporte des éléments de terrain que personne d’autre n’a en sa possession. Il trouve des pistes de solutions que d’autres n’ont pas réfléchies, parce qu’il est là, sur le terrain », lance Sophie-Sylvie Gagné, coordonnatrice de la RUI Viau-Robert.

L’agent de terrain dispose d’une carte blanche qui est nécessaire à l’obtention de résultats concrets. « Ce sont des idées à lui qui sont survenues pour venir en aide et soutenir les locataires. C’est assez stratégique pour tous les partenaires », affirme Sophie-Sylvie Gagné.

À l’automne prochain se tiendront les premières pelletées de terre pour la construction de la nouvelle Coopérative RUI Viau-Robert qui comptera 200 logements neufs.

Lotfi Khiari ne sait toujours pas s’il y aura le même rôle. Pour l’instant, il assure la transition pour permettre aux nouveaux acteurs de prendre conscience des enjeux auxquels font face les locataires.

Composition du comité d’action salubrité

L’arrondissement de Saint-Léonard

CIUSS de l’Est-de-l’Île-de-Montréal

La Table de concertation de Saint-Léonard

Ville de Montréal

Direction de la Santé publique

Comité logement de Saint-Léonard

Groupe Mach

Articles récents du même sujet

Exit mobile version