Des artistes et artisans qui travaillent dans le Mile-Ex craignent la spéculation immobilière qui y fait rage, car ceux-ci croient que leurs espaces de création sont en péril.
«Ça fait 15 ans que je suis artiste et que je participe à plein de projets artistiques avec la Ville de Montréal. Je fais partie du développement économique. [Les artistes] ajoutent de la valeur dans les quartiers, on aide à leur gentrification, et après on se fait sortir des lieux qu’on a embellis et on se retrouve avec rien, il faut que ça cesse», martèle Jonathan Villeneuve, président des Ateliers Belleville, un organisme à but non lucratif dans La Petite-Patrie.
Malgré tout, ce dernier reste positif.
«Nous on est chanceux, on l’a su à l’avance que les compagnies cherchaient à acheter notre bâtiment. On ne l’a pas appris dans les journaux, comme pour les gens du 305, rue de Bellechasse», souligne-t-il.
Celui-ci fait référence aux locaux d’artistes, se trouvant entre la rue Drolet et l’avenue Henri-Julien et qui ont récemment été vendus, laissant planer un doute sur une possible hausse des loyers ou même une éventuelle éviction des résidents.
Contrairement aux quelques centaines de locataires de ce bâtiment, la vingtaine d’artisans des Ateliers Belleville, situés à l’angle des rues Waverly et Beaubien Ouest, ont reçu la visite d’un potentiel acheteur en octobre dernier.
«Ces personnes se sont présentées comme étant employés de la compagnie Canderel. Ils ont pris le temps de nous rencontrer un à un pour nous dire qu’ils voulaient construire une tour à bureaux afin d’attirer de gros noms en intelligence artificielle», raconte M. Villeneuve.
Toutefois, au lieu de percevoir cet entretien comme étant une manœuvre pour faire pression sur les locataires, le président des Ateliers Belleville y voit une opportunité pour interpeller les élus, pour que des pistes de solutions soient explorées afin préserver les locaux.
«On veut donc en profiter du temps du moment pour explorer des moyens pour se faire une place dans ce projet de développement, mais aussi pour trouver des solutions générales à la disparition des locaux pour les artistes à Montréal», insiste M. Villeneuve.
Préserver les locaux d’artistes
Il serait aussi avisé de faire la promotion d’ententes de gré à gré avec ces détenteurs d’immeubles pour conserver des espaces dont les loyers sont abordables, croit M. Villeneuve. De plus, un modèle de propriété collective, quoiqu’onéreux, pourrait être envisagé.
Quoi qu’il en soit, un mouvement est en train de se former afin d’attirer l’attention des élus montréalais sur cet enjeu. Pendant la réunion ceux-ci se sont entretenus avec un regroupement provenant de quatre anciennes manufactures transformées en locaux d’artistes rassemblant près de 600 créateurs.
En plus des Ateliers Belleville et du 305, de Bellechasse, des représentants de l’usine Cadbury, située à l’angle des rues Masson et de Lorimier, ainsi que de l’édifice au coin de l’avenue Durocher et de la rue Beaubien Ouest étaient aussi présents.
«Le bâtiment sur Waverly est intéressant et mérite d’être préservé. De plus, nous croyons à l’Arrondissement que le quartier peut se développer économiquement tout en assurant une rétention d’artistes», souligne Mme Gosselin.
Cette dernière affirme qu’il faudra voir dans ce cas particulier si le projet se fera de plein droit, ou s’il sera dérogatoire à la règlementation en urbanisme de l’Arrondissement, ce qui pourrait offrir un levier à l’administration dans ce dossier.
En tant que responsable de la culture, du patrimoine et du design au comité exécutif de la Ville de Montréal, Mme Gosselin assure que l’enjeu des ateliers d’artistes est une priorité pour une métropole culturelle et que les propositions mises sur la table lors de la rencontre «correspond à ce qu’on veut faire dans les prochaines années».
Entre-temps, la Société de développement Waverly (SDW), organisme qui tente de faire le pont entre les acteurs commerciaux, industriels et résidents du quartier assure prendre part au dossier.
«Notre objectif est de pérenniser l’ADN du secteur, donc on aimerait bien pouvoir s’entendre avec les développeurs immobiliers pour que tout le monde y trouve son compte. On en a rencontré plusieurs et la plupart confirment avoir un intérêt pour trouver une place aux artistes, mais en même temps l’opportunité qu’offre le secteur des nouvelles technologies est très grande et c’est difficile pour eux de l’ignorer», explique David Gobeille-Kaufman, cofondateur de la SDW.
Au moment d’écrire ces lignes la compagnie immobilière Canderel n’avait pas retourné les appels du Journal de Rosemont – La Petite-Patrie.
Un lieu de création collectif
Le bâtiment dans lequel logent les Ateliers a été construit en 1911 et servait originellement de dépôt à munition. Il rassemble aujourd’hui 21 locaux non résidentiels, incluant des entrepôts et un gym, sur une superficie de 8 8284 mètres carrés.