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L’affaire ukrainienne percute aussi la campagne de Joe Biden

Joe Biden, ancien vice-président des États-Unis et candidat à l'investiture démocrate.

Joe Biden, ancien vice-président des États-Unis et candidat à l'investiture démocrate.

Elodie CUZIN - Agence France-Presse

Le télescopage semble ironique: l’affaire ukrainienne menaçant de faire basculer la présidence du républicain Donald Trump éclabousse aussi son grand rival attendu pour la présidentielle américaine de 2020: l’ancien vice-président démocrate Joe Biden.

S’il a été propulsé directement dans le ring face au milliardaire, en éclipsant au passage ses nombreux rivaux pour la primaire démocrate, Joe Biden risque aussi de sortir gravement blessé de ce duel sans pitié.

«Cela a été notre meilleure semaine de levée de fonds depuis» la première quinzaine après son entrée dans la primaire démocrate, en avril, a affirmé vendredi à l’AFP un responsable de sa campagne.

Une note triomphaliste au terme d’une folle semaine qui avait pourtant démarré avec un Joe Biden toujours leader, mais en perte de vitesse dans la moyenne des sondages pour l’investiture démocrate.

Depuis, les parlementaires démocrates ont fait trembler Washington en ouvrant, mardi, une enquête en vue d’une procédure de destitution contre Donald Trump.

En colère, le milliardaire républicain multiplie depuis les attaques contre l’ancien vice-président de Barack Obama, en tentant de rediriger les projecteurs sur la famille Biden qu’il accuse d’avoir eu des intérêts suspects en Ukraine.

Enquêter sur Biden

Happé par l’affaire, Joe Biden tente de se tenir à distance.

Pour cet homme qui aime à parler passionnément de ses proches, c’est par son fils, Hunter Biden, que les soucis sont arrivés.

Agé de 49 ans, cet avocat et lobbyiste était entré en 2014, alors que son père était vice-président, au conseil d’administration du groupe gazier Burisma en Ukraine.

Au même moment, Joe Biden faisait pression, avec l’Union européenne ou encore le FMI, pour obtenir la démission du procureur général ukrainien, accusé de fermer les yeux sur les problèmes de corruption gangrenant le pays.

Un enchaînement véreux aux yeux de Donald Trump, candidat à sa réélection en novembre 2020, et de son entourage, qui accusent son rival démocrate d’avoir demandé ce limogeage afin de protéger son fils.

C’est en évoquant ces accusations que le président américain a demandé à son homologue ukrainien d’enquêter sur son rival Joe Biden, lors d’un appel téléphonique le 25 juillet.

Une conversation au coeur de l’enquête ouverte par les démocrates du Congrès, en vue de mettre Donald Trump en accusation («impeachment»).

Warren en arrière-plan

«Joe Biden et son fils sont corrompus», tonne depuis, et sans avancer de preuves, l’ancien homme d’affaires new-yorkais.

De fortes accusations qui pourraient toutefois profiter à Joe Biden.

«Difficile d’imaginer un meilleur moyen d’améliorer son soutien parmi les démocrates que d’être attaqué sans relâche par Donald Trump», note David Lublin, professeur de sciences politiques à l’American University.

Une façon peut-être de remédier au «réel problème» de Joe Biden dans la primaire, selon M. Lublin, en plus de ses faux pas remarqués: le «manque d’intensité de son soutien» chez les électeurs démocrates, par rapport à l’enthousiasme suscité par une candidate comme Elizabeth Warren.

En pleine ascension, la sénatrice progressiste l’a même rattrapé pour la première fois dans deux sondages nationaux en début de semaine.

Mais depuis que le scandale ukrainien a frappé la Maison Blanche, la campagne pour l’investiture démocrate est passée en arrière-plan.

L’affaire a donc peut-être «perturbé» la trajectoire de Warren, en offrant à Biden l’occasion de se présenter au-dessus de la mêlée, selon M. Lublin.

Le vétéran de la politique bénéficie en outre d’un capital sympathie certain dans l’électorat démocrate, après avoir été marqué par des décès tragiques dans sa famille et avoir vu son fils Hunter lutter contre une dépendance aux drogues.

«Des dangers»

S’il rejette farouchement les accusations de Donald Trump et l’accuse d’avoir tenté de «s’emparer» des élections, Joe Biden a largement maintenu cette semaine son message de campagne sur les grands sujets qui préoccupent les Américains.

Mais l’affaire «comporte bien sûr des dangers», reconnaît M. Lublin.

Accuser Joe Biden à tout-va, «c’est la principale tactique de diversion pour les républicains qui défendent le président, et je ne vois pas comment cela pourrait lui bénéficier», explique Seth McKee, professeur de sciences politiques à l’université Texas Tech.

Sans aller jusqu’à la corruption, les relents de népotisme émanant de la nomination chez Burisma de son fils, qui gagnait, selon des médias américains, autour de 50 000$ par mois sans qualifications évidentes dans le secteur de l’énergie, pourraient lui nuire.

«Il est encore un peu tôt pour déterminer si cela aidera ou handicapera Biden», souligne Tim Hagle, professeur à l’université de l’Iowa. Cela dépendra en grande partie de la capacité de Joe Biden à se défendre, résume-t-il.

Il faudra également savoir «s’il y avait finalement quelque chose derrière» cette affaire.

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