À qui appartient le droit de critiquer ou de remettre en question certains phénomènes présents au Québec? Manifestement pas à tous, conclut la chroniqueuse Dalila Awada. Une leçon qu’elle a apprise à ses dépens.
La sociologue de formation est entrée très jeune dans l’arène médiatique. Alors qu’elle était dans la jeune vingtaine, elle est rapidement devenue le visage public de l’opposition au projet de loi de la Charte des valeurs québécoises déposé par le Parti québécois en 2013.
«J’ai eu à me défendre contre des attaques vraiment vicieuses parce qu’il y a du monde qui visiblement voulait me tasser de l’espace public. Et donc j’ai été souvent ciblée par des propos mensongers, des propos exagérés. J’ai été souvent insultée sur les réseaux sociaux», se rappelle-t-elle lors d’un long entretien avec Métro.
Ce qui l’a particulièrement marquée, c’est cette constante remise en question de son attachement et de son appartenance à la société québécoise.
«J’aime le Québec»
«Je me suis fait demander tellement souvent si je me considère québécoise. Tellement, tellement souvent», s’exaspère Dalila Awada. À chaque fois, explique-t-elle, elle doit répéter haut et fort son amour pour cette province. Au point, dit-elle, que cela devient «une espèce d’incantation».
«J’aime le Québec. J’aime le Québec. [Il] faut que je montre mon certificat pour prouver que j’ai un attachement à la société québécoise.»
Dalila Awada, chroniqueuse et sociologue
Malgré cela, la travailleuse en milieu communautaire se fera constamment reprocher de faire du Québec bashing, de ne pas «réellement» être Québécoise.
«À un moment donné […] s’il y a du monde qui continue de penser que mon identité rentre nécessairement en conflit ou en contradiction avec le Québec ou avec mon attachement envers le Québec…», laisse-t-elle tomber en haussant les épaules de dépit.
Assise entre deux chaises
Comme beaucoup d’enfants nés au Québec de parents immigrants, Dalila Awada a grandi avec un pied dans la culture québécoise et l’autre dans la culture libanaise de sa famille. Un équilibre souvent difficile à maintenir.
«Tu as d’un côté des gens qui veulent que tu prouves ta loyauté, et de l’autre aussi. Et là, tu te sens tirée d’un côté comme de l’autre». Ironiquement, ajoute-t-elle, on la considère toujours un peu comme une étrangère, qu’elle se trouve au Québec ou au Liban.
«Quand j’étais plus jeune, j’ai souvent eu l’impression qu’il y avait un côté qui allait finalement être plus dominant que l’autre puis qu’il allait falloir que je fasse un choix d’assumer un côté plus que l’autre.»
«Mais aujourd’hui, à 31 ans, je ne ressens pas du tout cette espèce de nécessité de trancher ou de déterminer quelle identité est la plus importante, la plus déterminante.»
«Ce sont des [identités] qui, finalement, se fondent tellement les unes dans les autres, qu’elles deviennent inséparables. […] Dire “bah voilà, 20% ça, 10% ça, 50% ça”, ça ne marche pas. C’est tout ça mis ensemble qui crée cette substance très unique, très complexe qui fait qui je suis aujourd’hui.»