Depuis qu’elles ont treize ans, Anna-Maude Zurbuchen et Florence Duhamel souffrent d’un trouble du comportement alimentaire (TCA). Aujourd’hui âgées de 21 et 18 ans, les deux jeunes femmes composent de mieux en mieux avec leur maladie. Malgré tout, le temps des Fêtes demeure pour elles la période la plus difficile de l’année. Récit de deux combattantes.
Anna et Florence se sont rencontrées il y a quelques années via leur «compte de réhabilitation» sur Instagram. Ce compte privé, qu’elles partagent uniquement avec les personnes souffrant d’un TCA, leur permet de s’entraider dans leur cheminement vers une guérison. Car même si les deux femmes se disent en bien meilleure santé qu’avant, leurs vies demeurent un combat de tous les instants.
L’anorexie mentale, une maladie grave
Anna et Florence ont toutes deux reçu un diagnostic d’anorexie mentale de type restrictif lorsqu’elles étaient plus jeunes.
L’anorexie mentale se caractérise principalement par une peur maladive d’engraisser et par l’obsession de vouloir contrôler son poids. Les personnes souffrant d’anorexie s’infligent des restrictions alimentaires sévères. Ce comportement entraîne une perte de poids importante et peut éventuellement mener à la mort. Selon le Collège des médecins de famille du Canada, l’anorexie mentale serait la maladie psychiatrique ayant le plus haut taux de mortalité au Canada.
Chez Anna, la maladie se manifeste sous la forme d’une restriction alimentaire sévère en ce qui concerne les calories, les types d’aliments ainsi que le nombre de prises par jour.
À un moment donné, j’ai eu la réalisation que je ne pouvais pas vivre comme ça toute ma vie.
Anna, à propos de son anorexie mentale
Après avoir repoussé son entrée à l’université pendant deux ans à cause de sa maladie, Anna vient finalement de commencer ses études en psychologie. «Je veux juste rendre mes symptômes les plus fonctionnels possibles. Je veux aller à l’école, je veux avoir une vie, je suis tannée», raconte-t-elle.
Florence tente elle aussi de trouver un fragile équilibre entre sa maladie et son désir d’avancer. Après avoir été hospitalisée pendant plusieurs mois à l’hôpital Sainte-Justine pendant son secondaire, elle aspire à retrouver un semblant de vie normale.
J’ai arrêté de voir ma psychologue depuis quelques mois. J’ai comme besoin de prendre une pause et de pas toujours être là-dedans.
Florence
Son entrée au cégep contribue d’ailleurs positivement à son rétablissement. «Ça m’a fait du bien de changer de groupe d’amis et de plus être étiquetée comme la fille anorexique.»
Noël, «le moment le plus difficile de l’année»
Malgré leur cheminement de réhabilitation, les deux filles s’accordent pour dire que le temps des Fêtes demeure le moment le plus difficile de l’année pour elles. Le fait d’être exposées à de la nourriture d’une manière aussi accentuée augmente leur fragilité.
Comment je vais faire pour éviter ce plat-là? Pour mentir? Pour cacher de la nourriture? Mon cerveau tombe automatiquement en mode panique.
Anna, à propos des soupers de Noël
Tania Lemoine, fondatrice de la clinique BACA, abonde dans le même sens. «Pendant le temps des Fêtes, il y a une abondance de nourriture et c’est extrêmement anxiogène pour les personnes qui souffrent de troubles alimentaires», explique-t-elle. «Dans leur quotidien, le temps des Fêtes, oui, c’est la pire période de l’année pour ces personnes-là.»
En plus de la présence excessive de nourriture, le temps des Fêtes chamboule des habitudes importantes.
Normalement, je mange tous les jours à la même heure. Noël, ça vient briser ma routine et ça déclenche mes comportements restrictifs.
Anna
Pour Florence, les commentaires de sa famille s’ajoutent aussi à tout le reste. «Depuis des années, mon poids fait constamment le yo-yo. C’est sûr que les gens vont passer un commentaire sur mon apparence physique.»
Les deux femmes souhaitent un jour pouvoir appréhender Noël comme la plupart des gens autour d’elles. «J’aimerais ça pouvoir dire que, maintenant, je vais mieux, et que cette année, le temps des Fêtes va être simple et rempli de joie. Mais ce n’est pas du tout ça», confie Anna.
«Pour l’instant, je dois simplement honorer le fait que je survis. Et c’est tout ce qui compte au final», conclut-elle.