À Montréal, les murs sont minces et entendre un couple voisin se disputer peut devenir banal et habituel. Mais lorsque ces disputes dépassent les limites de l’ordinaire et constituent de la violence conjugale, que faire?
La position des témoins de violence conjugale, comme celle des voisins qui ne connaissent pas toujours bien la victime, est une question délicate. C’est ce que constate Claudine Thibaudeau, travailleuse sociale et responsable du soutien clinique à SOS Violence conjugale.
Le premier conseil de Mme Thibaudeau, tout comme du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), est de contacter le 9-1-1 lorsque la situation de violence est en train de se produire. Il n’est alors pas possible d’évaluer le risque d’escalade et le danger, et appeler les services policiers permet de «ne prendre aucune chance». Si le témoin ne souhaite pas témoigner, pour toutes sortes de raisons, il peut appeler SOS Violences conjugales, qui peut à son tour signaler la situation à la police.
Après les évènements de violence, «si c’est sécuritaire, on peut essayer d’entrer en contact avec la victime», explique Claudine Thibaudeau. D’après la travailleuse sociale, simplement tendre la main à la victime, même si cette aide pourrait d’abord être rejetée, peut permettre d’ouvrir une porte d’échappatoire à cette dernière. «On donne à la personne victime un choix de plus» en lui disant, par exemple, qu’elle est la bienvenue chez nous, pour se réfugier.
Dans le cas d’une situation pour laquelle les autorités n’ont pas été contactées, la situation est plus complexe. C’est entre autre pourquoi le SPVM et SOS Violence conjugale soutiennent que les événements de violence ne doivent pas être ignorés. En garder une trace peut permettre d’aider le processus judiciaire qui pourrait suivre.
Signaler ou non à la police?
Mme Thibaudeau conseille de consigner chaque événement de violence: heure, paroles entendues, etc. Y ajouter le plus de précisions possibles, conseille-t-elle. Contacter la police après les événements est «délicat» sans l’accord de la victime, prévient Claudine Thibaudeau. «Si on porte plainte sans l’accord de la victime, ce n’est pas elle qui a choisi son bon moment», explique-t-elle.
Faire venir la police, ou même d’autres personnes de l’extérieur, en dehors d’un événement de violence pourrait prendre de court la victime, qui pourrait alors nier la violence subie, et les autorités ne pourraient donc ne pas pouvoir intervenir. Sans compte que «son partenaire pourrait croire que c’est la victime qui a prévenu les autorités et se venger», avertit Mme Thibaudeau.
La volonté des victimes doit primer en tout temps car une intervention sans un consentement de la victime peut envenimer la situation pour elle, la rendre plus dangereuse ou repousser la victime plus loin de demander de l’aide.
Conseils de SOS Violence conjugale, aux témoins de violences conjugales
Les témoins de violence conjugale peuvent également consulter la rubrique Outils du site de SOS Violence conjugale pour obtenir des conseils sur la meilleure façon d’aider la victime.
Du côté du SPVM, on recommande aux témoins, s’il n’y a pas eu d’appel au 9-1-1, d’aller rencontrer des policiers dans leur poste de quartier. Le corps de police précise qu’une évaluation de la situation sera réalisée avec la sécurité de la victime en tête, pour choisir les meilleurs moyens d’action. Une rencontre avec la victime peut être envisageable, au cas par cas, mais n’est pas systématique.
À la suite d’un témoignage, le témoin peut remplir et signer une déclaration écrite, ce qui est différent du dépôt d’une plainte. Cela sert à «renforcer le dossier des enquêteurs», affirme le SPVM.
Ailleurs dans le monde, des procédures similaires existent pour signaler les cas de violence conjugale aux forces de l’ordre. En France, les témoins, tout comme les victimes, peuvent déposer une «main courante», un procédé qui consiste à signaler la nature et la date des faits de violence, ce qui peut être utile pour une prochaine enquête ou un procès.
«Contrairement à une plainte, le but de la main courante n’est pas d’engager des poursuites à l’encontre de l’auteur des faits», nous apprend le quotidien français Midi libre. Le dépôt de cette main courante se fait donc sans que l’auteur des faits n’en soit averti, ce qui peut éviter la situation où la victime de violence conjugale est prise de court.
Victimes ou témoins de violence conjugale? Vous pouvez appeler SOS Violence conjugale, 24h sur 24, au 1 800 363-9010.
Rappelons que la violence conjugale n’est pas que physique; elle peut prendre plusieurs formes dont des violences psychologiques, un contrôle des déplacements exercé sur une personne, ou la multiplication des messages envoyés au cours d’une journée, selon l’Institut national de la santé publique du Québec.