Charlotte Stritt Imbert a décroché de l’école secondaire à 16 ans, «sans rien dire à personne». Profondément déprimée, elle préférait prendre une pause et faire ce qu’elle aime: travailler. Puis, à 17 ans, le ciel lui est tombé sur la tête. De cette chute est née «sa sauveuse» : sa fille Naéma.
Métro a rencontré Charlotte lors de sa dernière journée à l’annexe Rosalie-Jetté, une école spécialisée pour jeunes mères de 12 à 21 ans située dans le quartier Mercier. C’est une consultation médicale concernant son changement de méthode contraceptive qui a fait dévier sa trajectoire de vie quatre ans plus tôt, confie-t-elle, assise dans sa classe de français.
Charlotte attendait ses règles après avoir arrêté de prendre la pilule contraceptive. Une première injection de contraceptif devait lui être administrée dès le début de ses menstruations.
Entretemps, Charlotte confie avoir eu des rapports sexuels non protégés avec son partenaire du moment. «Ma médecin traitante m’avait assurée que je serais stérile les trois mois suivant l’arrêt de ma pilule contraceptive.» Une indication médicale qu’elle a «naïvement» crue, bien que démentie par sa mère, qui était présente lors du fameux rendez-vous.
«Je n’ai jamais eu mes règles, laisse tomber la jeune femme de 22 ans. De retour dans le bureau de mon médecin, elle m’a dit que le taux d’hormones de grossesse décelé dans mon sang était trop faible pour que j’attende un enfant. Mais je ne comprenais pas ce que ça voulait dire. Pourquoi j’avais une hormone de grossesse si je n’étais pas enceinte?»
Une échographie a dissipé tout doute: Charlotte était enceinte de huit semaines.
Le sujet de l’avortement est venu sur la table avec le père de Naéma. Ce dernier voulait continuer à «célébrer sa jeunesse», un désir respecté par Charlotte, qui a plutôt fait le choix de garder son enfant. «J’allais vraiment mal mentalement à l’époque, raconte-t-elle. Je craignais que l’expérience d’un avortement me fasse chuter encore plus.»
Mais au contraire, cette grossesse imprévue a provoqué un déclic dans l’esprit de Charlotte. Elle a fait le ménage dans son entourage, a cessé de consommer du cannabis et a commencé à penser à l’avenir qu’elle voulait bâtir pour sa fille. Pour ce faire, elle aurait besoin d’études.
«J’ai fait tout ça pour ma fille»
C’est par hasard, lors d’une visite au CHU Saint-Justine, que Charlotte a entendu parler de l’annexe Rosalie-Jetté, une école « assez méconnue ». Il s’agit du seul établissement à Montréal qui accompagne les jeunes mères dans l’obtention de leur diplôme d’études secondaires.
«On n’est qu’une dizaine d’élèves par classe, donc c’est beaucoup moins bruyant. Et on a toutes un enseignement individualisé. Chacune apprend à son rythme», souligne Charlotte. Un environnement qui répond à son grand besoin d’encadrement, elle qui vit avec un trouble déficitaire de l’attention et une perte auditive.
Elle insiste aussi sur le dévouement «total» de l’ensemble du personnel enseignant envers les élèves, une disposition qu’elle n’avait admirée que chez l’un de ses professeurs à son ancienne école secondaire Dorval-Jean-XXIII, un enseignant qu’elle tient à nommer: Sylvain Caron.
Et c’est précisément ce soutien qui a motivé cette Dorvaloise à faire trois heures de route tous les jours de la semaine entre son domicile, la garderie, l’école et son lieu de travail pendant trois ans.
Avec son diplôme d’études secondaires maintenant en poche, elle se dirige vers des études en secrétariat dans un centre de formation professionnelle. La tête maintenant sortie de l’eau, elle espère que tous ses efforts lui permettront de se plaire dans son travail et d’économiser pour «gâter encore plus» sa fille, maintenant âgée de quatre ans, sa «source de motivation».
«Grâce à elle, j’ai mûri, j’ai compris la valeur de la vie et j’ai travaillé pour qu’elle ait un avenir. J’ai fait tout ça pour ma fille.»