On dira ce qu’on voudra, la marque Jaguar a toujours eu cette aura d’élégance raffinée et de prestige «old-fashion» que les voitures de luxe allemandes, aussi fantastiques soient-elles à conduire, ne peuvent égaler.
Mais en hiver, c’était une autre histoire : sans traction intégrale, il fallait laisser sa britannique dans le garage. Jusqu’à présent, du moins.
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En effet, mon cher Watson : Jaguar a profité de l’arrivée d’un nouveau moteur d’entrée de gamme, dans ses berlines XF et XJ, pour leur concocter un système à traction intégrale. Dans toute l’histoire de Jaguar, qui remonte à neuf décennies quand même, les modèles de l’entreprise n’ont jamais proposé de tel dispositif.
Jamais, sauf en une occasion, que Jaguar aimerait bien oublier parce qu’elle s’est retrouvée sur la liste des «50 pires véhicules de l’histoire» établie par le Times, au tournant du millénaire… C’était la X-Type (2001-2009), une berline compacte qui puisait trop du côté de Ford, alors propriétaire de la marque, pour la paix d’esprit des aficionados de Jaguar.
Les concurrentes chez BMW, Mercedes et surtout Audi sont toutes livrées depuis belle lurette, sauf en de rares cas, avec l’AWD. Voilà peut-être ce qui explique, du moins en partie, que Jaguar ait vendu seulement 644 voitures au Canada l’an dernier. Soit à peu près le nombre de Civic que Honda vend… en une demi-semaine.
Pour une comparaison plus logique, sachez que Audi a livré 20 000 véhicules l’an dernier au pays, BMW, plus de 30 000, et Mercedes, plus de 33 000. Porsche, pour ceux que ça intéresse, en a vendu 3 003. Jaguar arrive sur le tard aux célébrations des quatre roues motrices, mais elle jure qu’elle se devait d’être – et qu’elle est parvenue à être – «plus meilleure» que les autres.
Pour ce faire, elle a dû accomplir quelques exploits mécaniques afin de convertir des architectures qui n’avaient pas du tout été conçues pour jongler avec les composantes additionnelles de cet autre type de propulsion.
Bon, dans une catégorie où les voitures se détaillent à plus ou moins 100 000 $, les systèmes AWD ne sont évidemment pas piqués des vers. D’ailleurs, je vous mets au défi d’en trouver un qui ne réponde pas de manière rapide et efficace aux conditions changeantes de la route.
N’empêche, Jaguar soutient que son dispositif, avec 70 % du couple envoyé aux roues arrière en conditions normales (contre 50 % pour Audi et 60 % pour BMW), assure une tenue de route plus sportive. Surtout, la marque se vante d’être allée puiser dans le savoir-faire de Land Rover, compagnie sœur par la fesse de gauche et grande spécialiste des véhicules tout-terrains (elle aussi détenue, depuis 2008, par l’indienne Tata).
Et il est vrai que, sur le circuit glacé de Mécaglisse, à Notre-Dame-de-la-Merci, puis dans les chemins sinueux de la région de Lanaudière, où venait de s’abattre une (autre) tempête de neige, les Jaguar dotées de la traction intégrale se sont comportées de façon magistrale. Mais la grande surprise réside principalement dans l’imperturbabilité de ces voitures. Même la grande XJ AWD à long empattement – une berline aux superbes allures de coupé, mais qui fait plus de cinq mètres de long – s’agrippe solidement en virage, qu’importe la surface sur laquelle elle file.
Sous le capot, le nouveau V6 (3,0 L) suralimenté développe 340 chevaux, soit un peu moins que les 385 chevaux du V8 (5,0 L) à aspiration naturelle qui a tiré sa révérence. Du coup, le 0-100 km/h demande une demi-seconde de plus, à 6,4 secondes.
Parlant consommation, à vitesse de croisière sur l’autoroute 401, entre Montréal et Toronto, notre XJ-L AWD nous a fait siphonner un très raisonnable 8,7 L / 100 km. Certes, la «résonnance» de ce V6 n’est pas aussi gutturale que celle du V8 qu’il remplace et dont il tire ses origines, mais sa vigueur demeure à la fois douce et souple, entre autres grâce à une nouvelle boîte automatique huit rapports. En franche accélération, la voiture bondit sans demander son reste.
Un paradis intérieur
Ceux qui veulent une grande sportive pure et dure vont évidemment se tourner vers les allemandes. Ceux qui reluquent du côté de Jaguar en pincent davantage pour le confort – et pour les habitacles, parmi les plus luxueux de l’industrie.
Loin du style «techno» qui peut être si frigorifique pour l’atmosphère intérieure, l’habitacle de notre XJ AWD à long empattement recèle une sélection de boiseries chaudes et de cuirs, souples et odorants, qui s’étirent avec moult surjets et moulures sur les sièges, l’intérieur des portières, le tableau de bord. L’insonorisation est évidemment de qualité supérieure, tel un cocon que rien ne peut traverser.
Si le conducteur ne peut trouver la bonne position dans ce siège qui s’ajuste dans tous les sens, notamment grâce aux pourtours gonflables qui l’enserrent au tronc, c’est qu’il ferait mieux d’embaucher un chauffeur pour le mener à destination.
Il pourra alors prendre place à l’arrière, là où le dégagement aux jambes d’un mètre est phénoménal (n’oubliez pas : nous sommes dans la variante «limousine»). Et où, dans les versions les plus huppées, il pourra bénéficier d’un écran individuel, d’un plateau de travail et, évidemment, de la fonction massage.
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POUR
- Le summum de l’élégance
- AWD efficace
- Caractère à part
- Places arrière encore plus confortables que devant (variante «limousine»)
CONTRE
- Vision arrière limitée
- À 96 000 $, le volant chauffant est optionnel…
- Même chose pour le régulateur de vitesse intelligent…
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Fiche technique
- Moteur (version essayée) : V6 de 3,0 L
- Performances : 340 chevaux, 332 lb-pi
- Boîte : automatique huit rapports (palettes au volant)
- Consommation : 13,2 – 8,7 L/100 km (ville – autoroute)
- Direction : à crémaillère
- Suspension : double triangulation (avant), multibras (arrière)
- Compétition : Audi A8, BMW Série 7, Lexus LS, Mercedes Classe S
- Fabrication : Castle Bromwich, Birmingham, Angleterre
- Prix : à partir de 89 000 $ (96 000 $ en variante allongée)
À la télé
Nadine Filion présente une chronique automobile chaque lundi à l’émission Ça commence bien, à V.