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Huawei: la 5G accueillie en grande pompe en Russie

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Alors que les États-Unis ont banni Huawei en l’accusant d’espionnage et demandent à leurs alliés d’en faire autant, Moscou déroule le tapis rouge à l’équipementier chinois, notamment pour le développement des réseaux 5G.

Ce mois-ci, Huawei a ouvert à Moscou sa première zone test de 5G avec l’opérateur russe MTS. Avec son débit ultra-élevé, la 5G est un rêve pour les Russes, gros utilisateurs d’internet mobile, mais pourrait aussi trouver une application dans des secteurs comme les voitures connectées et réduire les légendaires bouchons moscovites.

La 5G «deviendra notre infrastructure habituelle et un soutien aux ménages dans quelques années», déclarait à cette occasion le directeur des technologies de l’information de la ville de Moscou, Edouard Lyssenko.

Comme un pied de nez à Washington, alors en plein conflit avec Huawei, l’accord de développement de la 5G entre le géant chinois et le groupe russe des télécoms a été signé en juin, à l’occasion de la venue du dirigeant chinois Xi Jinping au forum économique de Saint-Pétersbourg.

Et ce n’est qu’un début. La Russie, souvent pionnière en matière de nouvelles technologies par rapport aux pays occidentaux, ambitionne de déployer des réseaux 5G grand public dans toutes ses grandes villes d’ici à 2024.

«Bien en Russie»

Patron de la branche russe de Huawei, Zhao Lei apprécie la prévenance des autorités. «Nous travaillons en Russie depuis 22 ans et, surtout grâce à la confiance de nos partenaires estimés, nous y vivons bien», déclarait-il lors du lancement de la 5G, ajoutant que son entreprise voulait déjà «être leader dans le développement de la 6G».

Numéro deux mondial des smartphones, Huawei est considéré comme étant à la pointe de la 5G, la future génération ultrarapide d’internet mobile.

L’équipementier n’a pas répondu aux demandes d’interview de l’AFP, mais une source russe dans le milieu de la recherche sur la 5G assure que Huawei est le plus gros investisseur dans l’innovation sur les technologies mobiles en Russie, avec «le plus grand laboratoire de recherche de tous les équipementiers» à Moscou.

Selon le quotidien économique russe Vedomosti, Huawei emploie actuellement 400 personnes à Moscou et 150 à Saint-Pétersbourg, en recherche et développement. Il ambitionne d’en recruter 500 de plus d’ici à fin 2019, et 1.000 supplémentaires sur cinq ans.

Mais d’après plusieurs experts la mise en avant de Huawei par Moscou relèverait davantage de la posture économique que d’une réelle avance du groupe chinois.

«Les opérateurs russes collaborent tous avec plusieurs équipementiers 5G, dont Huawei, donc nous ne voyons pas de leader clair pour le déploiement de la 5G en Russie», explique à l’AFP l’analyste Michela Landoni, de Fitch Solutions.

Les opérateurs «préfèrent cette approche afin d’éviter de se retrouver totalement dépendants d’un fournisseur spécifique» et «s’assurer une meilleure protection contre les cyber-menaces», ajoute-t-elle.

«Front économique» contre Washington

L’opérateur Tele2 a ainsi été le premier a lancer la 5G en Russie avec le suédois Ericsson en août, sur la rue Tverskaïa, une des principales artères de la capitale.

Dans un contexte de guerre commerciale et de rivalité technologique avec le géant asiatique, les États-Unis ont menacé de couper l’accès de Huawei aux composants et services américains dont il a besoin, comme le système d’exploitation Android.

La Russie a alors promptement proposé son système d’exploitation Aurora au groupe chinois.

Si Android «reste le choix préféré de Huawei», Aurora «pourrait être une solution de court terme, et surtout un tremplin dans le développement de son propre système d’exploitation», HarmonyOS, estime Michela Landoni.

Sylvain Chevallier, associé au sein du cabinet BearingPoint, estime que l’enjeu géopolitique est de «créer un front économique contre les États-Unis».

«Le fait qu’ils prennent la parole sur le système d’exploitation est vraiment une menace géopolitique», relève l’analyste. «Ça veut dire: on va prendre notre autonomie par rapport au monopole américain de l’OS sur les smartphones dans le monde».

Pour ce qui est des risques d’espionnage évoqués par Washington, la Russie n’est guère inquiète.

«Si on utilise de l’équipement conçu par un autre pays, le gouvernement de ce pays peut en théorie ou en pratique utiliser vos données si la transmission n’est pas sécurisée. Pour la Russie, il n’y a pas de grande différence entre Huawei, Ericsson ou autre», affirme Evguéni Khorov, chef du «Wireless Network Lab» de l’Académie des sciences de Russie.

«Beaucoup de gens utilisent des téléphones Android, un système conçu par Google. Cela signifie-t-il que Google a accès à toutes ces données? Oui, bien sûr», indique-t-il. «Alors, quelle différence entre Huawei et Google dans ce cas?»

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