Oubliez les produits à grand déploiement et les franchises à succès: cette année, le produit qui m’a le plus marqué est Disco Elysium, un jeu de rôles qui prouve que les concepteurs ne sont pas obligés de viser le plus petit dénominateur commun pour réussir.
Disco Elysium rappelle à première vue les jeux de type «pointer et cliquer», particulièrement populaires dans les années 1980 et 1990. On y incarne un vieux détective amnésique au lendemain d’une cuite légendaire, qui a 10 jours pour résoudre un crime, se souvenir de qui il est et régler les conflits qui déchirent la ville imaginaire de Revachol. L’action se déroule dans un univers parallèle, mais le propos est souvent d’actualité.
Le titre du studio indépendant estonien ZA/UM aborde des thèmes généralement mis de côté dans les jeux vidéo. Les discussions avec les autres personnages et avec notre voix intérieure mêlent sociologie, politique, racisme, conditions de travail et philosophie, le tout sur un ton loufoque et déjanté.
Le jeu permet de personnaliser le héros avec 24 compétences différentes. Alors que les jeux de rôles se limitent normalement à la force, à la sagesse, à l’intelligence et à d’autres attributs génériques du genre, Disco Elysium offre au joueur de choisir entre la conceptualisation, la rhétorique, la logique, la volonté, la résistance à la douleur et la coordination yeux-mains, notamment.
Chacun de ces traits de caractère a une influence sur le déroulement du jeu. Un héros doué dans le calcul visuel peut par exemple plus facilement compter le nombre d’empreintes différentes sur le sol, et un plus autoritaire saura s’imposer dans une discussion.
Chaque fois qu’une compétence est appelée, un dé est jeté. Plus notre empathie est élevée, plus on a de chances, par exemple, de comprendre ce que notre interlocuteur ressent. Une voix intérieure peut alors nous guider dans nos choix de réponse pour nous permettre d’obtenir l’information recherchée. Si on échoue, on est laissé à soi-même et on doit trouver une autre façon de résoudre le problème.
On est ici à des lieues des franchises où les dialogues peuvent être sautés sans conséquence et où on traverse un niveau en courant avec un fusil. Le jeu demande d’ailleurs beaucoup de concentration. D’abord, il est offert en anglais seulement, et le niveau de langue est ardu, même pour les habitués. Le texte dense et le vocabulaire riche m’ont même empêché d’y jouer tard la nuit, mon heure de prédilection habituelle pour les jeux vidéo. Disco Elysium et ses nuances s’apprécient mieux à tête reposée.
L’effort en vaut toutefois la peine. Le visuel, la musique, l’ingéniosité des mécaniques, la richesse de la narration, l’humour: à peu près toutes les facettes de Disco Elysium sont exceptionnelles. C’est mon jeu de 2019 et c’est un titre qui va s’imposer comme une référence pendant encore plusieurs années.
Note: 94/100