Vivre ensemble

L’effet Mamij8la (L’effet papillon)

Photo d’une publicité affichée dans une épicerie Super C.

Si le battement d’ailes d’un papillon peut contribuer à générer une tornade, il peut tout aussi bien contribuer à la prévenir. (Edward Lorenz)


CHRONIQUE – La semaine passée, j’ai publié sur Facebook la photo d’une publicité affichée dans une épicerie Super C. Celle-ci montrait une femme blanche tenant une feuille de laitue romaine derrière sa tête comme une plume, tentant ainsi d’imiter une femme autochtone. 

Cette publicité peut sembler innocente et rigolote de prime abord mais, au bout du compte, elle contribue à banaliser le fait de se moquer des Premières Nations, à normaliser l’appropriation culturelle, et démontre un manque de respect dans son ensemble.

Visiblement, certaines personnes du service du marketing de Super C ne lisent pas mes chroniques…

Cette situation est d’autant plus problématique que la photo a été prise au Super C de Joliette, la ville qui, il n’y a même pas un an, était le théâtre de la tragédie de la mort de Joyce Echaquan; un manque de sensibilité caractérise ce geste complètement déplacé.

Heureusement, de nombreuses personnes, en voyant la photo circuler, ont tout de suite décidé d’agir et de décrier cette image inappropriée au siège social de Super C. Le géant de l’épicerie a finalement décidé, quoiqu’un peu tard, de retirer la publicité dans toutes ses succursales…

Vous pouvez argumenter que de faire enlever une affiche publicitaire ne change pas le monde. Peut-être pas, en effet… mais la prochaine fois qu’une personne autochtone entrera dans un Super C, elle ne sera peut-être pas accueillie par une caricature de son héritage culturel pour tenter de vendre plus de laitue… et peut-être que la prochaine fois qu’une personne verra ce genre d’image, elle osera prendre la parole, le clavier ou le téléphone, pour signifier son désaccord à ceux qui tentent d’en tirer avantage…

Une petite victoire à la fois.

Un battement d’ailes de papillon, une publication sur Facebook, qui a généré un geste concret, issu de la mobilisation de centaines de personnes conscientisées…

J’ai toujours voulu changer le monde, ne serait-ce qu’un petit peu. C’est d’ailleurs la raison qui m’a poussé à devenir enseignant, mais j’avais envie d’en faire encore plus.Je ne suis pas de ceux qui espèrent avoir une vie tranquille et rangée, faire leur chemin sans trop provoquer de vagues, sans se faire remarquer.. Au contraire, j’ai envie, par mes paroles, mes actions, mes prises de position et la visibilité qui m’est offerte grâce aux tribunes que j’occupe, de faire des vagues, de laisser une marque, d’être l’impulsion de choses plus grandes qui vont nous permettre de progresser comme société.

Étant autochtone, j’ai réalisé assez vite que le monde, la société et les mentalités se doivent de changer, car ils sont non seulement injustes, mais également dangereux pour nous. Il en va de même pour toutes les personnes en situation de minorité. J’ai peur pour moi, mais j’ai aussi et surtout peur pour mes enfants…

Même si cette transformation peut rendre inconfortable, et oblige à reconnaître et à laisser aller certains privilèges, à repenser des façons d’envisager le monde et les relations de pouvoir qui le sous-tendent, et que ce changement prendra probablement plusieurs générations, nous devons commencer à agir maintenant si nous voulons parcourir une partie du chemin qu’il y a encore à faire de notre vivant.

Chaque petit geste que nous posons, chaque petit pas que nous faisons, en est un qui nous mène vers un monde différent, meilleur ou pas, qu’on le veuille ou non. À nous de voir la direction dans laquelle nous voulons aller…

Parce que si un seul battement d’ailes de papillon peut provoquer ou prévenir des tornades, imaginez le pouvoir que pourraient avoir des centaines de milliers…

Adio (Au revoir)


Xavier Watso est Abenaki, enseignant et tiktokeur à ses heures.

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