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Les excuses papales pour les pensionnats sont un «premier pas»

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Jeremy M. Bergen - La Conversation

Le chef de l’Église catholique s’est rendu mercredi au Québec. À cette occasion, le pape François a présenté ses excuses aux Premières Nations pour les pensionnats autochtones implantés au Québec. Il en avait fait de même plus tôt dans l’ouest du pays.


ANALYSE – Le pape François a répondu à l’appel à l’action no 58 de la Commission de vérité et réconciliation (CVR) en s’excusant en personne, au Canada, auprès des survivants des pensionnats autochtones, à leurs familles et à leurs communautés. Contrit, il a demandé pardon pour la participation de religieux à cette «entreprise de destruction culturelle et d’assimilation forcée».

Pour la première étape de ce «pèlerinage pénitentiel» de cinq jours au Canada, le pape a pris la parole à Maskwacis, près du site de l’ancien pensionnat d’Ermineskin, en Alberta. Cependant, ces excuses pontificales, qui arrivent sept ans après l’appel de la CVR, ne reconnaissent pas définitivement le rôle de l’Église elle-même dans le système des pensionnats.

Après le discours du pape, la chef Judy Wilson de l’Union des chefs indiens de la Colombie-Britannique a demandé au pape d’abroger la doctrine de la découverte, soulignant ainsi l’une des nombreuses lacunes des excuses papales. Cette doctrine, formulée pour la première fois dans la bulle papale de 1455, fournissait la justification théologique et juridique à la dépossession des indigènes par les colonisateurs européens et sert de base à l’affirmation de la souveraineté canadienne sur le territoire.

La signification des excuses

Ma réflexion et mon analyse sont ancrées dans ma perspective de descendant de colonisateur européen et de spécialiste des excuses ecclésiastiques pour les torts historiques. Elles reflètent également mes premières impressions.

Il ne m’appartient pas de dire ce que les excuses signifient pour les survivants. Néanmoins, leur signification, elle, reposera non seulement sur les mots prononcés, mais aussi sur les actions qui s’en suivront.

Il faudra attendre des années voire des décennies pour savoir si ces excuses auront réellement contribué au processus de guérison. Au cours des prochains jours, le pape pourrait apporter d’autres nuances à travers ses prochaines déclarations.

Un mal déplorable

Comme il l’avait fait le 1er avril, le pape a formulé des excuses qui reconnaissent les souffrances de ceux qui ont fréquenté les pensionnats indiens, notamment la perte de la culture, de la langue et de la spiritualité, ainsi que les «violences physiques, verbales, psychologiques et spirituelles» infligées.

Le pape n’a cependant pas mentionné les violences sexuelles, pourtant spécifiées dans l’appel à l’action no 58, alors qu’il en avait pourtant reçu plusieurs témoignages à Rome.

«Face à ce mal déplorable, l’Église s’agenouille devant Dieu et implore son pardon pour les péchés de ses enfants», a-t-il déclaré. «Je demande humblement pardon pour le mal commis par de nombreux chrétiens contre les peuples autochtones.»

Créer une culture

Le pape a souligné que ses excuses ne sont qu’«un premier pas, le point de départ», et que de telles paroles seront toujours profondément insuffisantes. Le long chemin de la guérison, a-t-il déclaré, nécessitera de nombreuses actions et devra pénétrer le cœur des catholiques.

Le pape a exprimé son engagement en faveur d’un chemin qui respecte les identités et les expériences des peuples autochtones. Son évocation quant à la nécessité de «créer une culture capable d’empêcher la répétition de tels événements» semble suggérer que l’Église devra modifier plusieurs aspects de sa culture et de ses pratiques institutionnelles.

Contrairement aux excuses présentées au Vatican, le pape était cette fois un invité chez les autochtones, qui l’ont accueilli avec leurs chefs, des joueurs de tambour, des chanteurs et des locuteurs des langues autochtones que les pensionnats ont voulu faire disparaître.

En quelque sorte, cette cérémonie était l’embryon d’une relation renouvelée et plus respectueuse. La présence même du pape, dont la santé est mauvaise, est certainement un autre signe de son engagement personnel.

Une entreprise de dépossession

Les excuses papales, qui reconnaissent la destruction des cultures autochtones par l’église, ne vont pas jusqu’à faire le lien avec deux autres faits importants: que cette destruction ait été au service de la dépossession des terres autochtones par le Canada, et que ces terres étaient inextricablement liées à leurs cultures.

Il n’a pas non plus reconnu explicitement la complicité et la responsabilité institutionnelles de l’Église qui gérait ces écoles. Comme il l’a fait en avril, le pape a maintenu la distinction entre l’action de l’Église et celles des religieux. Mais, a-t-il ajouté cette fois-ci, ces individus ont fait avancer l’objectif sous-jacent de ces écoles, qui était une politique d’assimilation.

Certaines parties du discours semblaient placer l’Église et les peuples autochtones du même côté, comme s’ils étaient tous des victimes affligées des mêmes maux. Par exemple, en parlant d’«intérioriser notre douleur», le pape donne l’impression de chercher une douleur commune avec les survivants. Le souvenir des traumatismes étant très différent pour les victimes et leurs bourreaux, un tel point de vue suggérerait une reconnaissance inadéquate des torts historiques.

Comme c’est souvent le cas pour ce genre d’excuses, le pape s’adressait à deux publics: les victimes, évidemment, mais aussi les croyants qui, à titre de colonisateurs, sont appelés à poser des gestes spécifiques de guérison et de réparation.

Certains refusent toute responsabilité pour les fautes passées. D’autres refusent d’admettre tout le mal commis dans les pensionnats. La déclaration du pape les persuadera-t-elle d’accepter et d’assumer réellement ces faits douloureux de l’histoire?

Le pape François a appelé à une «sérieuse recherche sur la vérité du passé afin d’aider les survivants des pensionnats dans la voie de la guérison pour les traumatismes subis».

Bien que la question reste vague, le pape semble suggérer un processus de reconnaissance au sein de l’Église. Pourra-t-on enfin ouvrir davantage les filières vaticanes? L’Église pourra-t-elle reconnaître sa complicité institutionnelle? Verra-t-on aussi des gestes plus spécifiques réclamés par les survivants, comme le retour d’artéfacts du Vatican?

Tout cela est possible, mais pourrait très bien ne jamais se passer.

Que le pape ait répondu à l’appel à l’action no 58 de la CVR n’est pas une fin en soi. Cet acte de vérité doit servir à amener tous les Canadiens à répondre aux autres appels dans un très long chemin à parcourir.

En 2008, déjà, le premier ministre Stephen Harper avait présenté des excuses au nom du gouvernement du Canada, affirmant que le fardeau de cette histoire était celui de tous les Canadiens.

Le pape et l’Église catholique ne sont, en eux-mêmes, ni l’objet ni le sujet des excuses papales. Il s’agit plutôt de reconnaître la souffrance et la dignité humaine des survivants. Cet événement est aussi pour tous les Canadiens une autre occasion de faire face à un passé douloureux et d’engager le long, difficile et coûteux travail de réparation.

Un texte de Jeremy M. Bergen, professeur agrégé d’études religieuses et d’études théologiques, collège universitaire Conrad Grebel, Université de Waterloo.

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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