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Mohammed Gammoudi: «Montréal 1976, le pire souvenir de ma vie!»

Mars dernier, un collègue réalisateur à la première chaîne de la radio de Radio-Canada a sollicité mon aide pour interviewer en arabe un ancien athlète tunisien, dans le cadre d’une série-souvenir sur les JO de 1976, à Montréal.

Quelle ne fut pas ma joie quand j’ai découvert le nom de cet athlète: Mohammed Gammoudi. Pour faire une analogie, c’est comme si on avait demandé à un petit Québécois d’interviewer Jean Béliveau ou Guy Lafleur. J’étais fou de joie.

Et pour cause, ce légendaire athlète tunisien est le lauréat de quatre médailles olympiques en athlétisme, lors de trois JO successifs: l’argent du 10 000 mètres à Tokyo, en 1964, l’or du 5 000 mètres et le bronze du 10 000 mètres à Mexico, en 1968, et l’argent du 5 000 mètres à Munich, en 1972.

Dès l’entame de notre échange téléphonique, Mohammed Gammoudi m’a lancé que Montréal 1976 a été le pire souvenir de sa vie.

Comment une participation à des JO peut-elle devenir à ce point un cauchemar? Le porte-drapeau de la Tunisie lors de la cérémonie d’ouverture de 1976 s’apprêtait «à tirer sa révérence au zénith», m’a-t-il avoué le timbre de la voix brisée. En effet, il s’était pointé à Montréal après une phase de préparation prometteuse, avec à la clé des chronos de rêve.

Or, les pays africains ont décidé de boycotter ces jeux pour protester contre le régime d’apartheid en Afrique du Sud. Le pire dans cette histoire, c’est que la Tunisie n’a décidé de rallier ce boycottage que la veille de la course de qualification du 10 000 mètres du grand Gammoudi. «Je vous le jure, après avoir reçu l’ordre du boycottage vers minuit, je n’ai pas pu me rendormir de la nuit», m’a-t-il confié encore la gorge nouée, quatre décennies plus tard!

Celui qui dans l’histoire de l’athlétisme mondial a ouvert la voie de l’or olympique aux athlètes issus du monde arabo-musulman, tels les Marocains Saïd Aouita et Hicham El Guerrouj ainsi que l’Algérien Noureddine Morceli, persiste encore aujourd’hui et signe: «La décision de boycottage n’était pas bonne, car la politique n’a rien à voir avec le sport!»

Quarante ans après cette nuit fatidique, Mohammed Gammoudi n’arrive pas encore à digérer que la politique l’a empêché de gagner une à deux médailles qui auraient pu rester pour la prospérité dans l’histoire de l’athlétisme tunisien.

Au lieu du boycottage des JO de Montréal, les pays africains n’auraient-ils pas mieux servi la bonne cause en incitant leurs athlètes à gagner des titres olympiques pour les dédier ensuite aux prisonniers du régime de la honte, l’apartheid?

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