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Des ronds dans l’eau

Chaque mardi, la journaliste Julie Laferrière et l’humoriste, animateur et illustrateur Pierre Brassard posent un regard original sur les usagers du transport en commun.

Ligne d’autobus 80, direction nord. C’est vendredi, il est 18 h 45. Quiconque, vendredi après-midi, avait vue sur l’extérieur ou était carrément dehors vers 15 h a pu apprécier l’état du ciel. Fâché, il était, notre plafond céleste!

Un vent frais qui sentait l’eau s’est levé d’un coup, retournant les feuilles comme autant de petits jupons aériens. Puis, dans un bal de grondements et d’éclairs, les nuages noirs ont mis leurs menaces à exécution. La pluie s’est fracassée en ondées, en averses torrentielles et en trombes. Pas un petit crachin tranquille, mais bien de la sérieuse météo de calibre tropical.

La nature s’est déchaînée pendant quelques longues minutes. Puis une tranquillité relative est revenue, avec un peu de bleu et un soleil dodu qui a repris sa place sur son trône suspendu.

Quelque deux heures plus tard, je monte dans le bus pour m’en aller à une soirée. Je constate alors que tous les bancs longeant les fenêtres qui donnent vers l’ouest sont libres. Le tissu des sièges étant bleu foncé, je ne réalise pas qu’ils sont complètement trempés.

Je m’assois donc avec enthousiasme et ai soudainement le sentiment de me retrouver les fesses dans une flaque. Un genre de «floc» s’est d’ailleurs fait entendre lorsque mon séant a épousé la texture spongieuse et mouillée du siège. Je me suis levée d’un bond en poussant un grondement de mécontentement.

Humiliée et mouillée, je suis allée prendre place au sec, sur la banquette d’en face. J’occupais maintenant une place de choix, aux côtés d’une dame qui, jusque-là, ignorait l’état des lieux. Venant d’être témoin de mon manège pas trop enchanté, elle m’adresse un «Pauvre vous!» sincère et bienveillant.

C’est ainsi qu’au fil des prochains arrêts, elle et moi, tels des sauveteurs sur le bord d’une piscine intérieure, nous nous sommes assurées que personne ne connaîtrait le même sort que moi. Nous avons ainsi évité un bain involontaire à un homme en complet-cravate, à une dame en robe rose pâle et à un hipster au style savamment négligé.

Une fois à destination, mon humiliation et moi sommes descendues. Chaussée de bot­tes de caoutchouc, j’ai marché dans toutes les flaques, question de retrouver le plaisir de faire des ronds dans l’eau et, surtout, de remettre en perspective mon orgueil détrempé. Parce qu’un orage, non seulement c’est magnifique et grandiose, mais ça nous rappelle l’humilité qui ne devrait jamais nous quitter.

Et ce, beau temps, mauvais temps.

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