Martin Matte doit sérieusement avoir besoin d’argent pour toujours être contraint de jouer dans des publicités. Il a été vendeur de chars, et maintenant épicier. Je croyais que sa carrière allait bien. Mais visiblement, il est gravement dans la dèche. Ne laissons pas cet artiste de talent s’enfoncer davantage: parrainons-le. Aidons le saltimbanque disetteux à payer son loyer et à acheter des denrées alimentaires pour sa famille. Je promets de verser le cachet de cette chronique à Martin Matte pour l’aider à se sortir de l’enfer de la pub.
Comment pouvons-nous en tant que société laisser nos va-nu-pieds d’humoristes être si misérables, fauchés et faméliques? Gandhi disait qu’on juge du degré de civilisation d’une société à la manière dont elle traite ses humoristes. Pôvres petits nous.
Peut-être que Martin Matte a posé des questions éthiques sur cette méga- épicerie avant le tournage? Par exemple: quelles sont les conditions de travail des employés(es), quelle est sa politique environnementale, quel est son lien avec les agriculteurs québécois et les produits régionaux? Le mot d’ordre semble être « moins cher». Même si les chaînes d’hypermarchés font de plus en plus d’efforts contre le gaspillage, il reste que les producteurs agricoles ont des contrats, et pour être sûr d’y répondre, ils doivent produire plus en cas d’imprévus. Le surplus ne se rendra même pas à l’épicerie et sera gaspillé. Martin Matte, qui pratique sans doute le dumpster diving, sait bien que si des gens ne mangent pas à leur faim au pays, ce n’est pas à cause d’un manque de nourriture, mais d’un problème de gaspillage. Éric Ménard, spécialiste de l’environnement et blogueur, affirme «qu’on gaspille pour 31 G$ de nourriture chaque année au Canada». C’est environ 40% de leur nourriture que les Canadiens jetteraient aux ordures.
Martin Matte est un homme intelligent qui sait que la publicité est une forme d’engagement social qui poussent les gens à surconsommer. Martin sait que de se vendre à un produit, c’est le summum de l’engagement. Inutile de rappeler à monsieur Matte que la publicité est la plus grande agression qui vient coloniser notre imaginaire, alors que le rôle de l’artiste est de le décoloniser, pas de s’en faire complice.
Par ailleurs, cette campagne publicitaire monopolise les médias et prend une place énorme dans la petite sphère de l’information au Québec. L’humoriste, malgré lui, fait de l’ombre «aux gens ordinaires» qui mènent aussi des combats. Des courageuses militantes s’enchaînent à un pipeline d’Enbridge… oui, mais Martin Matte lance une pub loufdingue! Le salon du livre regorge de bouquins inconnus du public…oui mais Martin Matte croque dans une tomate! Y est drôle! Mais le clown est triste.
Martin Matte n’est pas le seul à être obligé de s’agenouiller devant le phallus doré du Grand Capital pour sa maigre pitance. Y a aussi le défavorisé Louis Morissette en livreur de pizzas, le démuni André Sauvé en courtier immobilier, etc. La prochaine fois que les humoristes se colleront un X rouge sur la bouche au cours d’un gala pour revendiquer la sainte liberté d’expression, de grâce, écoutons-les, ils ont sûrement un cossin à nous vendre. Libârté, j’écris ton nom.