Chaque mardi, la journaliste et animatrice Julie Laferrière et l’humoriste, animateur et illustrateur Pierre Brassard posent un regard original sur les usagers du transport en commun.
Ligne d’autobus 51, direction ouest. C’est vendredi, il est 15 h 40.
La journée est claire, le ciel est impeccable. Aucun nuage n’y traîne. Assise sur l’un des sièges d’une longue banquette, écouteurs sur les oreilles, j’écoute de la musique en regardant tout ce bleu, là-haut, qui défile par les fenêtres.
À l’arrêt suivant, entre un jeune homme dans la fin vingtaine. Il est chargé comme l’âne de Juan Valdez. Vous vous souvenez? Cette publicité de café qui mettait en scène un Colombien moustachu tout de lin blanc vêtu. Il était flanqué de son bourriquot qui croulait sous le poids d’immenses poches de café.
Bien sûr, le joli jeune homme n’a de comparable à l’âne que le fardeau. Et le sien se résume à deux gros sacs de lessive qu’il installe à un banc du mien. Lui se dépose finalement tout à côté du fruit de sa corvée qui sent bon le savon.
J’imagine que l’homme est pigiste et qu’il a profité de la liberté que lui offre son horaire pour se débarrasser de cette tâche à l’aube de la fin de semaine.
Il a été à la buanderie, a certainement manqué de monnaie au moment crucial des dernières minutes de séchage. Là où tout est PRESQUE sec, mais où il faudrait encore 6 minutes 22 secondes pour atteindre la perfection.
Il a aussi probablement regardé quelques minutes de la version française d’un mauvais film américain des années 1980, qui jouait à la télé suspendue au-dessus des laveuses, puis a dû interrompre son visionnement pour aller verser un peu d’assouplissant au cœur de ses brassées.
C’est là qu’il aura aperçu, parmi ses chemises, la camisole fleurie. Un petit bout d’elle, égaré, qui s’est mêlé à son monde à lui pour une dernière fois, à cycle délicat. Il aura refermé le couvercle de la machine, puis pour amener ses pensées ailleurs, aura sorti son téléphone pour y jouer à un jeu. Ce même jeu auquel il s’adonne présentement, à quelques pouces de moi, et qui consiste à crever en un temps record le plus de bulles possible.