Il y a deux jours, nous nous sommes traditionnellement souhaité de la santé pour la nouvelle année. Ce vœu banal prendra un sens tout particulier pour les deux millions de Québécois qui n’ont pas de médecin de famille ou qui devront patienter plus de 17 heures lorsqu’ils iront à l’urgence (le temps moyen d’attente). Sans compter ceux qui se décourageront et souffriront en silence, sans voir de médecin.
Être malade au Québec, c’est d’abord réaliser à quel point il est difficile de se faire soigner. Il n’y a qu’à passer devant les cliniques de quartier pour voir les files d’attente se former une heure avant l’ouverture. Vous avez un bobo passé 9h? À demain!
Les cas graves ne sont pas nécessairement mieux traités : si vous avez une tumeur au sein, vous vous exposez à attendre trois longs mois avant de vous faire opérer. Trop long, quand un cancer vous ronge.
En 2003, les libéraux avaient fait de la santé le thème central de leur campagne électorale. Le seul changement notable aujourd’hui est que les médecins gagnent beaucoup plus cher: une hausse de 50% en six ans seulement. Nous n’en sommes pas mieux soignés.
Au contraire, les médecins voient moins de patients. Citant les données de la RAMQ, l’ex-ministre Claude Castonguay note dans son livre Santé: l’heure des choix que le nombre moyen d’actes médicaux posés par un généraliste en une année est passé de 2655 à 2120 en 10 ans. Tout n’est pas la faute des médecins, mais les chiffres sont là.
On propose des solutions depuis longtemps : décentralisation des décisions, révision des modes de rémunération, évaluation des établissements, plus grand engagement des infirmières, contribution des utilisateurs, etc. Les nombreux rapports qui se sont empilés sur les tablettes du ministère en témoignent. Faisant fi de façons de faire qui ont fait leurs preuves ailleurs, notre santé collective est sous l’emprise d’un modèle élaboré il y a près d’un demi-siècle et sacralisé depuis.
Le ministre Réjean Hébert a fait un premier pas cet automne en donnant un peu plus de place aux pharmaciens, mais des réformettes à la pièce ne suffiront pas. Les dépenses en santé représentent déjà la moitié du budget du Québec, une proportion qui continue à augmenter. Imaginez ce que ce sera dans une vingtaine d’années, lorsqu’il y aura deux fois plus de retraités à soigner… et deux fois moins de travailleurs pour payer.
Chaque année passée à pelleter le problème en avant va se traduire par des choix plus douloureux plus tard. Mais la santé, en 2013, ne sera pas encore le principal enjeu au Québec. La Commission Charbonneau va nous garder sur le terrain de l’éthique et de la gouvernance. Le Sommet sur l’éducation, en février, va rappeler que rien n’est réglé du côté des universités.
Les montants en jeu dans l’un et l’autre cas ne sont cependant rien comparativement au gouffre collectif qui continue de se creuser et aux souffrances humaines qui seront engendrées par les déficiences de notre système de santé. En attendant, on peut toujours se souhaiter de ne pas être malade…